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BLOG DE PHILOSOPHIE
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3 janvier 2020

EXPLICATION DU TEXTE DE PASCAL

     

                                     EXPLICATION DU TEXTE DE PASCAL

 

 

 

Qu’est-ce que le moi ?  

Un homme qui se met à la fenêtre pour voir les passants ; si je passe par là, puis-je dire qu’il s’est mis là pour me voir ? Non ; car il ne pense pas à moi en particulier ; mais celui qui aime quelqu’un à cause de sa beauté, l’aime-t-il ? Non : car la petite vérole, qui tuera la beauté sans tuer la personne, fera qu’il ne l’aimera plus.
Et si on m’aime pour mon jugement, pour ma mémoire, m’aime-t-on, moi ? Non, car je puis perdre ces qualités sans me perdre moi-même. Où est donc ce moi, s’il n’est ni dans le corps, ni dans l’âme ? et comment aimer le corps ou l’âme, sinon pour ces qualités, qui ne sont point ce qui fait le moi, puisqu’elles sont périssables ? car aimerait-on la substance de l’âme d’une personne, abstraitement, et quelques qualités qui y fussent ? Cela ne se peut, et serait injuste. On n’aime donc jamais personne, mais seulement des qualités.
Qu’on ne se moque donc plus de ceux qui se font honorer pour des charges et des offices, car on n’aime personne que pour des qualités empruntées.

 

                            Pascal, Pensées.

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Extrait de son ouvrage Les Pensées, cet extrait de Pascal aborde la notion du « moi » et plus particulièrement la définition du moi. Dans le texte, le philosophe tente ainsi de répondre à la question suivante : qu’est-ce que le moi ? C’est donc la problématique liée à la nature du moi qui est ici l’objet de sa réflexion. Le «moi » est ce qui définit l’identité d’une personne, ce qui la représente. Il apparait donc à première vue une chose facile à connaître. Mais, avec Pascal, on va voir, au contraire, dans cet extrait que le « moi » est introuvable. Il veut montrer ici que le moi est insaisissable.

Dans son raisonnement, Pascal s’appuie sur plusieurs exemples qu’il analyse l’un après l’autre. Et c’est l’exemple sur l’amour qui sera le plus présent dans sa réflexion. Il occupe une bonne partie du texte. Pascal traite, dans une première étape, le lien entre le moi et l’apparence physique à travers l’exemple du passant et celui sur la beauté physique. Ensuite, dans une deuxième partie, il montre, à travers l’exemple sur le « jugement » et la « mémoire », que ni l’âme, ni le corps ne suffisent à définir le « moi ». Et enfin, il termine en nous faisant constater que notre moi social ne peut pas représenter notre véritable « moi », et ne peut pas dire qui nous sommes réellement.

 

 

La question qui ouvre le texte porte sur l’identité du moi. Le philosophe s’interroge dès le début du texte sur la définition du moi. Par cette question, Pascal annonce donc au commencement de son extrait la problématique qu’il s’apprête à traiter dans ces quelques lignes. Mais, dans la suite de la question, Pascal, au lieu de nous proposer, comme on pourrait s’attendre normalement une définition du moi, nous renvoie à un exemple formulé sous forme d’une question. Et ça ne sera pas le seul exemple du texte. C’est l’exemple d’un passant inconnu qui passe dans la rue et d’un autre homme sorti à sa fenêtre pour regarder les passants. « Un homme qui se met à la fenêtre pour voir les passants ; si je passe par là, puis-je dire qu’il s’est mis là pour me voir ? » se demande Pascal.

 

Pascal répond négativement à cette première question. L’homme à la fenêtre ne me connaît pas personnellement, il n’est pas là pour me voir moi en particulier, il regarde tous les passants indistinctement passer depuis sa fenêtre. Pascal affirme ainsi que l’homme de la fenêtre ne voit pas le passant en question parce qu’il n’est pas là pour voir spécialement un passant particulier, et parce qu’aussi il ne connaît aucun de ses passants. Dans cet exemple, Pascal semble dire donc que le passant que je suis est un passant parmi d’autres fondu dans la masse des passants qui passe dans la rue. Il n’est pas donc un individu particulier distinct. Autrement dit, Pascal cherche à montrer à travers cet exemple qu’il est nécessaire de connaître la personne, son individualité et sa particularité pour pouvoir saisir son « moi » et connaitre qui il est. Ce qui n’est pas le cas dans cet exemple dans lequel l’homme qui regarde depuis sa fenêtre ne connaît pas en particulier ce passant qui passe devant lui. Le philosophe laisse donc entendre que la proximité par rapport à l’autre serait un moyen facilitant la possibilité de connaitre et donc de définir le moi de la personne. Il faudrait donc rechercher la nature du moi dans le particulier et non pas dans le général. Par conséquent, il va par la suite proposer des exemples sur des personnes particulières qui nous sont plus proches et plus familières et que nous connaissons mieux que les autres : comme nos amours, c’est-à-dire les personnes que nous aimons.

 

De ce fait, dans un deuxième exemple, Pascal s’intéressera à l’amour, c’est-à-dire à cette relation affective qui lie un moi à un autre moi, qui unit deux êtres partageant des affinités et pour ainsi dire très proches. Cet exemple se distingue du premier qui portait sur l’interaction entre mon  moi et un autre moi inconnu, un autre moi affectivement distant du mien. Dans son souci de connaitre l’essence du moi, il s’intéresse donc cette fois-ci à des relations humaines plus particulières et plus intimes. Par ce deuxième exemple, Pascal, en ayant montré dans le premier que le moi n’est pas une chose générale mais une chose définissable à partir de l’individualité et la particularité de chacun, nous propose un exemple sur le plan physique. La physique est ce qui me distingue, du moins extérieurement, des autres personnes autour de moi. Je suis physiquement différent de tout le monde. Même dans le cas des jumeaux, deux jumeaux peuvent être physiquement très semblables mais sans jamais être identiques. Il y aura toujours quelques petits traits qui feront la différence entre les deux.

 

Et plus précisément, Pascal choisit l’exemple de la beauté physique. Pascal se questionne alors : « l’homme qui aime quelqu’un pour sa beauté l’aime-t-il ? ». L’auteur répond aussi à cette question par une réponse négative comme à la question précédente. Il explique que la beauté physique est quelque chose d’éphémère, elle n’est pas durable. Et celui qui aime quelqu’un pour sa beauté n’aimera nullement son amour si cette beauté qui est la cause de son amour disparait. Or l’expérience nous apprend que la beauté physique ne dure jamais, elle peut être emportée par une maladie comme « une petite virole » capable de défigurer la personne nous dit Pascal, ou elle peut être emportée par le temps qui passe, par l’âge quand ce n’est pas une maladie. Le jeune physiquement beau ou la belle fille à la fleur d’âge seront moches et déridés une fois vieillis. Par cette réponse, il est possible de comprendre que Pascal suppose que l’apparence physique de la personne change en permanence et qu’elle n’est pas immuable pour pouvoir définir l’essence de la personne. Pascal semble donc penser que le moi est l’essence permanente de la personne et qu’il ne se trouve pas dans la partie physique changeante de l’individu.

 

 

 

Mais alors si le moi ne peut pas être définit physiquement, peut-il l’être mentalement ? C’est la question que Pascal se pose dans le prochain exemple. Dans sa recherche du moi, Pascal, après avoir affirmé dans l’exemple précédent que le moi n’est pas lié au physique, s’intéresse ici à la dimension mentale de la personne. L’homme se distingue de l’animal par ses facultés intellectuelles (jugement, pensée, mémoire, imagination..). Comme nous sommes physiquement différents les uns des autres, nous les sommes aussi mentalement. Nous n’avons pas les mêmes qualités intellectuelles. Les capacités de jugement des uns sont plus développées que chez d’autres. Le moi que Pascal tente de rencontrer peut-il alors être rencontré au niveau mental de l’individu ?

Par un raisonnement similaire à la question précédente sur la beauté, Pascal annonce que le moi ne dépend pas non plus de notre vie mentale. Pourquoi ? Parce que «  je puis perdre ces qualités sans me perdre moi-même. » Les facultés abstraites ne sont pas donc plus permanentes que les qualités physiques de la personne. Elles sont elles aussi périssables comme l’affirme Pascal. Il est possible de les perdre naturellement ou accidentellement.  Comme le physique de la personne, le mental se dégrade et se détériore avec le temps. C’est un processus naturel auquel on ne peut pas échapper. Avec l’âge, nos capacités de « mémoire » et de « jugement » se détériorent : on devient de plus en plus amnésique et nos jugements deviennent de moins en moins précis. L’âge n’est pas la seule chose qui altère nos facultés mentales. Il est possible aussi de perdre nos facultés prématurément, même très jeune, à cause d’une maladie ou d’une autre cause accidentelle. Certains naissent même handicapés mentalement. D’autres perdent, en partie ou totalement, leurs facultés mentales un peu plus tard dans la vie : on peut devenir fou un jour. Personne n’est jamais à l’abri de ces pertes accidentelles de nos capacités intellectuelles.

Le moi demeure donc toujours introuvable, il n’est pas non plus dans l’esprit. Encore une fois de plus, Pascal, en soulignant le caractère éphémère de nos facultés intellectuelles comme celles physiques, détache le moi du mental comme il l’avait fait pour le physique. Le moi est donc extérieur à nos qualités mentales aussi, car elles ne sont pas permanentes. N’ayant pas trouvé le moi « ni dans le corps, ni dans l’âme », Pascal affirme par conséquent que l’amour que nous avons pour les personnes que nous aimons est un amour périssable dans le sens où il s’attache à des « qualités du corps et de l’âme qui sont périssables ». Ainsi, pour Pascal, aucune de ses qualités périssables ne nous permettent de définir le moi qui lui doit être impérissable, permanent et immuable. Car l’impermanent ne peut pas contenir le permanent. Avec Pascal, on peut donc dire que l’amour ne peut point atteindre le  moi  en soi, il dépend toujours et seulement à des qualités physiques ou mentales.

Mais ou est-il ce « moi » alors pourra-t-on se demander comme se demande Pascal s’il ne se trouve ni dans le corps ni dans l’âme ? L’homme est la somme du corps et de l’âme, il n’y a pas une troisième substance qui compose son être. Est-il donc possible, s’interroge Pascal, d’aimer abstraitement une personne indépendamment de ses qualités physiques ou morales ? Il est impossible et même injuste, dit Pascal, d’aimer abstraitement l’âme en substance. Impossible parce que nous aimons seulement des qualités et non le moi en soi ; on ne peut pas aimer abstraitement une personne indépendamment de ses qualités. Injuste parce qu’il n’est pas juste d’aimer quelqu’un qui ne possède pas des qualités physiques ou morales valorisantes. Il est injuste moralement, par exemple, d’aimer un criminel. Aimer quelqu’un parce qu’il est un tueur en série, c’est être complice d’une manière ou d’une autre de ses crimes abominables et barbares. Mais aussi, c’est encourager d’autres en manque d’amour à faire les mêmes monstruosités pour se faire aimer. C’est pourquoi beaucoup de pays refusent de négocier avec des terroristes même quand ils détiennent des otages originaires de ces pays pour ne pas leur donner une tribune et une scène médiatique. Ainsi, moralement, l’homme conscient doit savoir que sur le plan moral les bonnes qualités et les mauvaises ne se valent pas.

De plus, une mauvaise personne pour les autres (tueur, menteur, violent, manipulateur, possessif, etc.), un diable ne sera jamais pleinement un ange amoureux pour vous. Même s’il se montre un bout de temps faussement amoureux et agréable, ses vieilles démences peuvent faire surface à n’importe quel moment. Il est sans doute injuste mais il n’est pas impossible malheureusement de voir dans certains cas une personne qui aime une autre personne mauvaise. On peut en ce sens voir, à titre d’exemple, une femme amoureuse d’un homme qui pourtant la frappe, la maltraite, l’enferme, l’humilie…

Pour résumer, Pascal affirme que l’on aime une personne que pour ses « qualités du corps et de l’âme qui sont périssables ». Pour le philosophe donc, aucun amour humain n’est capable d’atteindre le moi véritable de la personne aimée ; il se nourrit seulement des qualités physiques ou mentales fort sujettes à la disparition. Il affirme à ce propos : « on n’aime jamais personne, mais seulement des qualités ». Par cette phrase, Pascal remet donc en question la profondeur et la solidité de l’amour que l’humain éprouve pour un autre humain. On pourrait donc penser que le philosophe Pascal qui est, rappelons-le, un croyant chrétien, cherche à dire que seul l’amour que nous avons pour Dieu, l’être permanent et éternel qu’aucun changement (physique ou mental) et qu’aucune détérioration temporelle ne pourra atteindre mérite le véritable amour. Seul Dieu pourra être aimé pour qui il est et non pas comme chez l’homme aimé pour ses qualités temporellement périssables. Disons donc pour conclure sur ce point que, pour Pascal, l’amour humain est éphémère et celui de Dieu éternel.

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Pascal termine par une observation sur les comportements humains dans la vie sociale. Dans la société, dit-il, nous nous faisons honorer « pour des charges et offices ». En effet, lorsque l’on tient un rôle important dans la société, on nous respecte, nous salue, nous honore pour notre statut social et non pour ce que nous sommes. Quand on est un ministre ou un président tout le monde (ou presque) nous honore. Mais sommes-nous honorés pour ce que nous sommes ou pour le rôle social que nous occupons ? Certainement pour le rôle social. Et là aussi, Pascal veut nous faire encore constater que ce n’est pas le moi lui-même qu’on honore ou qu’on aime pour ceux qui aiment ces gens socialement haut placés en plus de les honorer. L’honneur que nous avons pour ces gens est pour ce qu’ils ne sont pas mais pas pour ce qu’ils sont. Des personnes qui n’étaient pas honorés avant d’atteindre ce niveau social élevé se font honorer maintenant. Et nombreux sont ceux qui font tous pour occuper une place sociale importante pour se faire honorer en courant derrière un honneur et une reconnaissance hypocrites. Pascal dit donc qu’il ne faut pas se moquer de ses gens qui cherchent l’honneur dans le statut social car nous aimons les personnes que pour des « qualités empruntées » qui ne leurs définissent pas.

Dans la société chacun emprunte donc des qualités qui ne sont pas les siennes pour se faire une place sociale ou pour se donner une valeur sociale. Même ceux qui n’occupent pas des postes de haute responsabilité, les personnes de niveau social normal se montrent sous un autre visage. Chacun se conforme à la société, et montre le meilleur de lui-même. Cette hypocrisie sociale pourrait avoir quelques avantages dans la vie sociale, mais elle a aussi son cortège d’inconvénients. Devant les autres, chacun affiche, ce qu’on pourra appeler, son « moi  social » radicalement différent de son véritable moi, ce qu’il est réellement. Chacun porte ainsi dans la société un masque identitaire qui cache sa véritable identité. Et chaque masque est en face d’un autre masque. Comme moi, l’autre aussi porte son masque social. Devant nos amis, on se montre, par exemple, confident alors que derrière eux on raconte à tout le monde et au premier rencontré leurs petits secrets. On se dit loyal envers les autres et devant la première difficulté on s’enfouit abandonnant ceux à qui on a juré loyauté. Et comme le soutient Freud, ce masque n’est pas toujours volontaire. Le moi doit se civilisé pour être accepté par les autres. Ainsi, le moi qui est naturellement guidé par le « principe de plaisir » sera contraint de réprimer sa dimension naturelle pour se soumettre au « principe de la réalité ». Il doit mettre de côté tous ses instincts naturels les plus sauvages incompatibles aux interdits sociaux et moraux et à la vie sociale pour pouvoir vivre en harmonie avec les autres.   

Pour finir sur ce dernier point, Pascal, voulant toujours montrer que le moi humain est introuvable, nous montre ici que le moi social ne doit pas être confondu avec le moi réel de la personne. Ce ne sont pas non plus les qualités empruntées qui vont nous permettre de saisir le moi de quelqu’un. Ces fausses qualités sociales sont des masques extérieurs à notre propre moi.

 

 

Pour conclure, dans ce texte, Pascal est à la recherche du moi, qu’il ne trouve ni dans l’apparence physique, ni dans les qualités mentales. Le moi que le philosophe cherche reste donc « introuvable ». Vu le raisonnement du philosophe, il est possible de dire que Pascal montre que le moi est insaisissable chez l’homme, car tout ce qui le constitue, son physique et son mental sont impermanents et changeants.

Mais ce constat met Pascal devant une situation, disons-le, un peu difficile. Si le moi est introuvable faudrait-il donc conclure qu’il n’existe pas, qu’il n’est pas et que le sujet est un « néant » comme le dira Sartre. Rappelons que pour ce philosophe existentialiste, l’homme ne dispose d’aucune essence naturelle et qu’il lui revient à lui seul la difficile tâche de se faire lui-même. Ne possédant aucun « moi » pour le définir, l’homme doit donc être qui il veut être librement durant son existence. Avant son existence, il n’est rien, il est un néant indéfinissable, un néant qui n’a aucune nature initiale, aucune essence naturelle.

On pourrait s’attendre à ce que Pascal conclut son analyse par une thèse existentialiste. Mais il ne le fera pas. Car Pascal n’est pas un philosophe existentialiste comme Sartre. Il est plutôt philosophiquement essentialiste. Pour sortir de son impasse et sauver son essentialisme, Pascal trouvera refuge dans le moi  divin. Le moi est insaisissable chez l’homme, mais le moi permanent, le véritable moi, est possible qu’en Dieu. Il reste donc attaché à sa thèse essentialiste tant qu’il pense que le moi est incarné en Dieu. Comme pour tout croyant religieux, Pascal semble voir d’un mauvais œil l’existentialisme associé souvent à l’athéisme. Car l’existentialisme défend l’idée d’une création sans essence, et donc insensée, arbitraire. Pire encore, un existentialiste affirmera même que par sa liberté l’homme est capable d’échapper à tout déterminisme et à toute autre volonté extérieure à la sienne, y compris celle de Dieu. Il serait pleinement libre de Dieu même quand ce dieu existe.

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