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BLOG DE PHILOSOPHIE
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4 mai 2020

CHAPITRE 1 : LA CONSCIENCE (ES, S et L)

 

conscience

                                                        

  

                                    INTRODUCTION

 

Traditionnellement, on admet que l’homme est un être conscient. On dit qu’il est un être doué de conscience. Etymologiquement, le mot conscience vient du latin « cum scientia » qui signifie « avec savoir ». Au sens large, la conscience désigne un pouvoir de connaissance. Mais quelle est la nature de notre conscience? Est-elle matérielle ? Substantielle ? Que peut-elle connaitre ? Représente-t-elle la marque de notre grandeur ou de notre misère ? Est-elle dominante, infaillible et indépendante ? Ou est-elle, au contraire, limitée, conditionnée, lacunaire ? La conscience est-elle l’originalité de l’homme ? Est-elle l’essence de l’être humain ? Faut-il la refuser à l’animal ? L’animal est-il aucunement, partiellement ou entièrement conscient ? Dans ce qui suit, nous allons tenter de réfléchir sur ces questions.

 

I.  La conscience, une connaissance immédiate de soi et de la réalité

La conscience est une perception, une donnée immédiate des objets de la réalité. C’est un pouvoir qui permet à l’homme de connaître immédiatement les choses de son environnement. Avec notre conscience, nous pouvons saisir instantanément les objets qui peuplent notre entourage, le monde extérieur et notre monde intérieur. Par la conscience, l’homme peut se représenter présentement son présent immédiat. Cette perception n’est bien sûre possible que par l’intermédiaire de la sensibilité : la vue, l’ouïe, l’odorat, le toucher, le goût, etc. Sans la sensibilité, la conscience ne peut point percevoir et saisir spontanément la réalité extérieure. En effet, la conscience est cette faculté qui met l’homme en contact avec le monde extérieur et avec sa vie intérieure. Sans la conscience, l’homme perdrait la liaison avec la réalité, avec son intériorité (ex : le sujet dans le coma, la personne évanouie). Par exemple, un comateux ne peut rien percevoir, rien sentir, etc.

Et le dormeur ? Pareille aussi pour le dormeur. Quand nous dormons la nuit (ou le jour), notre conscience est absente, éteinte ; nous sommes dans une « situation d’inconscience ». Le dormeur, comme l’explique Alain, n’a conscience de rien. Il n’a point conscience du monde, de lui-même, de sa présence dans le monde. Il n’a aucune représentation des choses. Il appartient à un ensemble auquel il ne peut plus momentanément s’extraire, se distinguer, se séparer. Il est une chose parmi les choses, c’est-à-dire une chose certes matériellement séparée des autres choses, mais pas consciemment. Ainsi le dormeur ne se distingue point de son lit, de sa chambre, de son alarme, de son ventilateur, de son placard…

Et soudainement l’alarme sonne. Il est matin. C’est l’heure de se réveiller. Le dormeur se réveille et sa conscience se réveille avec lui. Et immédiatement, il prend conscience de lui, de son moi, de ses sensations, de ses sentiments, de ses pensées, et puis du monde, de son extérieur. Il peut alors se représenter sa chambre, son lit, son drap, son alarme qui sonne, son ventilateur qui tourne… Il se sépare du monde, des choses consciemment. C’est pourquoi Alain décrit la conscience comme « une division », « une séparation » entre le sujet conscient et sa réalité. Division, mais aussi réflexion (Voir la partie II, la conscience réfléchie).  

Pire encore, avec une conscience autrement ou lentement spontanée, notre rapport au monde serait désordonné, faussé, compliqué…. Intéressons-nous un peu au cas du fou. Le fou est-il dépourvu de toute conscience ? Il semblerait que non. Il semblerait que le fou se comporte consciemment. Consciemment ! Oui, consciemment, mais bien sûre autrement. On peut dire que sa représentation du monde et (peut-être de lui-même, peut-être car il est difficile d’opiner son intérieur) n’est pas conforme à la nôtre. Ce qui se présente à nous comme inutile, sans valeur (le reste du khat, le garapo…) ou abimé  et impropre (chaussette sale, vêtements usés…) se représente souvent chez le fou comme important, utilisable. Ainsi, il ne serait pas du tout complètement inconscient, il serait plutôt autrement conscient. Il a une représentation du réel autre que la mienne, une conscience spontanée différente de la mienne. C’est pourquoi la mienne exclue la sienne comme la sienne exclue la mienne. Pour eux, c’est nous les fous, et pour nous, c’est eux les fous.

Et la conscience lentement spontanée sa veut-dire quoi ? Ici, la conscience est spontanée, comme la mienne ou comme celle du fou d’ailleurs, mais sa spontanéité serait lente ou très lente. Une conscience spontanée très lente ! Jamais vu, jamais entendu… Est-ce réelle ? Il serait peu prudent de dire oui. Mais elle n’est pas impossible. Je me suis arrêté sur ce point uniquement pour montrer aux élèves l’importance de notre conscience spontanée, et pour permettre à l’élève d’imaginer le résultat  de son dysfonctionnement. Quoi qu’il en soit, la conscience spontanée (lente) serait une situation dans laquelle le sujet aurait conscience très lentement de sa réalité (ou de lui-même). Par exemple, je suis dans la classe pour expliquer à mes élèves la notion de conscience. Pour expliquer, il faut impérativement parler. Et imaginez si quand je dis ma première phrase, il faudrait à ma conscience cinq bonnes minutes pour prendre conscience de cette phrase. Dans ce cas, je ne pourrais rien dire pendant ces cinq minutes, le temps que ma conscience traite la première phrase avant de constituer la deuxième. En deux heures de cours, je ne pourrais expliquer que peu de choses, car je ne dirais que très peu de phrases. Alors pour bien expliquer ce premier chapitre, il ne me faudrait pas une ou deux semaines mais toute une année, vu le rythme de ma conscience spontanée… Heureusement que ce n’est pas le cas !

Mais quelle est la nature de notre conscience ? Et que peut-elle avoir conscience ?

 Pour la phénoménologie, la conscience ne peut être une chose matérielle, elle est une intentionnalité. En ce sens, Husserl écrit : « Tout état de conscience en général est, en lui-même, conscience de quelque chose ». La conscience est une intention qui porte sur « quelque chose », sur un objet. Pour notre philosophe, chaque conscience est unique et particulière. Car la chose visée n’est pas la même, chaque conscience vise une chose particulière et à sa manière particulière : elle peut viser, par exemple, une « maison » à la « manière perceptive », « comme souvenir », « comme image »….

Pour Sartre aussi, un autre phénoménologue, la conscience de l’homme est une relation, un rapport avec le réel. C’est une visée. Elle vise une chose réelle autre qu’elle. Car elle est un intérieur vide qui se remplit de l’extérieur. Il affirme : « la conscience n’est rien d’autre que le dehors d’elle-même ». La conscience est donc intérieurement vide, c’est un rien, un « néant » pour Sartre. Elle n’est pas une réalité matérielle, une chose concrète. Mais ce « néant » est entouré de choses, de réalités matérielles multiples, un dehors très peuplé. Ainsi, heureusement, la conscience n’est pas « un néant » total, c’est-à-dire un néant dans un néant, mais un néant dans un réel. En effet, c’est par son pouvoir imaginatif que la conscience arrive à saisir les objets.

 

     II. La conscience, une réflexion sur soi et sur le monde

La conscience est aussi réflexion. Elle peut permettre au sujet de réfléchir sur son propre intérieur, sur sa nature, sur la vérité du monde réel. On retrouve cette conception d’une conscience qui réfléchit, qui interroge, qui analyse, qui s’autosaisit chez Descartes. Dans son célèbre ouvrage, Discours sur la méthode, le philosophe entreprend un projet philosophique de recherche de la vérité et une méthode pour y parvenir (voir aussi son superbe ouvrage, les Méditations métaphysiques). Car il s’est rendu compte que les connaissances qu’il avait acquises auparavant (pendant son enfance, à l’école, de la société, etc.) sont essentiellement des opinions incertaines. Pour édifier une nouvelle connaissance cette fois-ci certaine, « vraie » et « indubitable », il va faire une table rase de toutes ses connaissances antérieures (voir aussi le texte de Ghazali, assez similaire à celui de Descartes, texte disponible dans le manuel de philosophie, chapitre 1). Pour réaliser ce projet, Descartes va analyser toutes les connaissances successivement : les connaissances sensibles d’abord, ensuite les démonstrations rationnelles, la réalité, puis lui-même, son intérieur, son essence… Mais il découvre que toutes ces connaissances sont incertaines et fort douteuses.

Pour distinguer le vrai du faux, le certain de l’incertain, le douteux de l’indubitable, Descartes s’appuiera sur un doute hyperbolique, un doute exagéré. Par exemple, Descartes classe toute connaissance incertaine, suscitant le moindre doute, parmi les connaissances fausses. Cependant, ce doute n’est pas un doute sceptique, un doute qui anéantirait tout espoir de connaitre la vérité ; le doute cartésien est un doute certes hyperbolique, mais provisoire et méthodique. Descartes arrive finalement après avoir provisoirement douté de tout à la conclusion que le fait de douter est la certitude qu’il pense, qu’il est une chose pensante. Douter, c’est penser, et penser, c’est être quelque chose, car pour penser, il faut être, être un sujet, un « Je ». Il formule alors son célèbre cogito : « je pense, donc je suis ». En effet, pour notre philosophe, le sujet est capable de penser et, en même temps, il peut avoir conscience qu’il pense.

Mais la conscience peut-elle me permettre de connaitre ce que je suis ? Qui suis-je vraiment ? Pour répondre à cette question, on se réfère naturellement (voir même officiellement) au corps. Sur la carte d’identité djiboutienne figure le nom, la taille, l’âge, le sexe, la couleur des cheveux, la couleur des yeux, la situation professionnelle, l’adresse, etc. de la personne. Mon identité est-elle véritablement corporelle ? Pas certainement. Je ne suis point mon nom, il m’est étranger, il m’est attribué par mes parents. Et ma taille ? Je sais qu’elle n’est pas toujours la même. Petit, adolescent, adulte, vieux, ma taille varie, elle ne reste pas la même. Et mon âge ? Ce n’est pas mon vrai âge. C’est uniquement l’âge de mon corps, de mon organisme, l’âge de ma vie terrestre. Et ma situation professionnelle ? Elle change aussi. Mon identité n’est-ce pas donc incontestablement mon visage ? Non plus. Je ne suis pas ce visage, parce que ce visage change avec le temps, il se transforme, il n’est plus le visage qu’il était il y a 50 ans. Il faut juste replonger dans votre album de photos de votre enfance pour voir à quel point votre visage adulte actuel est vraiment méconnaissable. Je ne peux pas non plus m’identifier à mes bras et mes jambes. Je peux les perdre dans un accident, et je resterai pour autant le même. Certains naissent même sans bras et sans jambes. On comprend pourquoi Descartes refuse de s’identifier au corps. Puisque je ne peux pas m’identifier à ma taille, à mon âge, à mon visage…. Le corps ne peut pas donc être véritablement mon identité.

Qu’es-ce qui me définit alors ? Pour Descartes, c’est certainement la pensée, l’âme. Je suis une « substance pensante » nous dira le philosophe. Mon identité, ça serait donc ma pensée, mon esprit, mon âme. Ce n’est pas le corps matériel, sensible qui dit ce que je suis, c’est l’âme immatérielle, métaphysique qui dit mon identité. On peut soupçonner que Descartes s’inspire de la vision théologique chrétienne de l’âme immortelle, éternelle, et du corps mortel, éphémère.

L’islam aussi partage cette conception d’une âme immortelle et d’un corps éphémère. Au moment de la mort, nous dit le Coran, le corps meurt, mais pas l’âme. Cette dernière s’envole pour le ciel, vers l’univers divin où la bonne âme sera majestueusement accueillie, et où la mauvaise âme sera maudite et rejetée. L’âme ne meurt donc jamais : elle existera éternellement (c’est pourquoi notre âge corporel ne peut être notre vrai âge). L’âme existait même avant mon corps et elle existera aussi après mon corps (voir le Coran). Et dans ces différentes vies (vie terrestre, vie prénatale et vie céleste), elle change de corps : ici, un corps petit, un corps malade, un corps handicapé, un corps vieillissant, un corps très imparfait ; au-delà, un corps grand, un corps beau, un corps esthétique, un corps en éternelle santé, un corps éternellement parfumé, un corps librement hédoniste, un corps éternellement jeune, un corps propre, le corps parfait. On retrouve aussi cette idée du corps multiple et de l’âme unique dans le Bouddhisme.

Dans sa philosophie sur la conscience, Descartes a voulu ainsi montrer que le sujet, par l’intermédiaire de la conscience réfléchie, peut avoir conscience de sa pensée, de son intériorité, de son identité, de son être, c’est-à-dire ce qu’il est. C’est la conscience intérieure qui est première par rapport à la conscience extérieure pour lui. Car l’esprit est beaucoup plus aisé à connaitre que le corps, la matière, le sensible. Ainsi, aux yeux de Descartes, la conscience réfléchie constitue le degré le plus élevé de notre conscience. C’est une conscience pensante, attentionnée, concluante, active.

Mais est-il vraiment possible de se connaitre soi-même ? Le sujet peut-il devenir l’objet de sa propre conscience ? Peut-on vraiment avoir subjectivement une connaissance objective de notre propre subjectivité ? Cela n’implique-t-il pas un éparpillement du sujet en conscience et le reste (l’objet de sa conscience) ? Cela n’est-il pas synonyme de dédoublement ? Et donc de perte de son identité ? Peut-on être simultanément double et unique ? Multiple et la même ? Y a-t-il vraiment un moi stable, permanent, saisissable ? Peut-on parler d’un moi unique ou d’un moi multiple ? Le moi est-il identifiable ou sans identité ? Arc-en-ciel ou monocouleur ? Continu ou discontinu ? Toujours le même moi ou chaque fois une nouvelle perception et donc un nouveau moi ? (Cf. l’explication du texte de D. Hume sur l’identité du moi dans la rubrique explication de texte de mon blog)

 

         III. La conscience et la morale

 La conscience humaine a aussi une dimension morale, elle peut distinguer le bien du mal. Le mal est interdit et condamné moralement par Dieu, par la société, par la loi. Faire le mal, c’est une faute. Il implique sanction, remord, regret, etc. Le bien est moralement valorisé, il est récompensé même. L’homme doit toujours faire le bien et s’abstenir du mal.

Par ailleurs, la morale distingue l’humain de l’animal : l’animal ne possède pas de conscience morale; seule, l’espèce humaine est douée de conscience morale. L’animal n’est pas véritablement conscient moralement, il ne peut pas être un être moral : il ne connaît pas le bien et le mal. La morale est donc ce qui valorise l’homme des autres êtres vivants, elle hisse l’humain au sommet de la hiérarchie des êtres. Elle constitue sa grandeur. Dans le saint Coran, Dieu annonce la supériorité de l’homme vis-à-vis des autres êtres.

Et puis la conscience morale implique une responsabilité de l’homme par rapport à ses actes et ses dires : elle moralise et responsabilise l’homme. Le sujet doit assumer les conséquences de ses actes et dires dans la mesure où il est une personne morale. Si l’homme s’éloigne de la morale, il se dégrade, s’ « animalise », il deviendrait même inférieure à l’animal (un infrahumain, un sous-animal) comme nous le prévient le Coran. Ainsi, puisque l’homme est un être conscient et moral, il est responsable devant l’homme et devant Dieu. Il est jugé sur ses actes et paroles dans ce monde par la justice humaine, et dans l’au-delà, il sera jugé, le jour du jugement dernier par son divin, son créateur afin de répondre de ses faits sur terre. De ce fait, l’homme est moralement responsable de son passé, de son présent et de son futur. Son présent juge doublement son passé et son futur. Le crime qu’il avait commis dans le passé est jugé aujourd’hui, et le crime qu’il complote de commettre demain est jugé aujourd’hui. Et enfin le crime qu’il commet aujourd’hui sera jugé demain.

Mais quelle est l’origine de la conscience morale ? La morale est-elle vraiment la même pour tout le monde ? Est-elle universelle ? Avons-nous le même jugement du bien et du mal ? Les réponses à cette question restent philosophiquement divergentes. Pour Rousseau (Emile de l’Education), la conscience morale humaine est d’origine divine. C’est Dieu qui a mis en nous cette faculté afin que nous puissions avoir une connaissance a priori de ce qui est mal et de ce qui est bien. La conscience morale serait alors une faculté innée en l’homme, elle serait naturelle, céleste, biologique et donc universelle. Est-ce vrai ? Rousseau n’a pas complètement tord de souligner le caractère universel de notre morale. Il y a des valeurs morales qui sont universellement partagées par tous les hommes indépendamment de leurs cultures, leurs coutumes, leurs sociétés, leurs éducations, leurs religions… Par exemple, tuer, voler, mentir, tricher, insulter, etc. sont des actes qui sont moralement interdits par toute l’humanité. Il n’existe pas encore une société qui récompense un tueur en série sanguinaire par une médaille d’honneur ou par un chèque bancaire. 

Cependant, tous nos jugements moraux ne sont pas réellement les mêmes. Notre morale varie relativement d’une société à une autre, d’une culture à une autre, d’une croyance à une autre, d’un individu à un autre. Mais qu’est-ce qui pourrait expliquer cette relativité de notre morale ? On peut dire que ce sont nos sociétés, nos cultures, nos éducations qui expliquent cette situation. C’est la société dans laquelle nous vivons qui nous inculque les valeurs morales, qui nous apprend ce qui est bien et ce qui est mal. C’est mon éducation morale, ma culture, ma société, mon histoire… qui déterminent ma morale. Par exemple, la consommation d’alcool est une chose interdite, mal vue et moralement condamnée dans la société djiboutienne (et dans les autres sociétés musulmanes). En revanche, boire de l’alcool est quelque de banale dans une société occidentale (française, belge, italienne, etc.). On peut aussi citer l’exemple du khat, consommable, extrêmement banalisé à Djibouti, mais légalement interdit et sévèrement puni dans plusieurs pays européens dans lesquels il est même considéré comme une drogue.

On peut donc dire que la morale est naturelle, universelle. Mais si la morale est théoriquement universelle, elle est pratiquement culturelle. Chaque individu a une conscience morale, une idée du bien et du mal. Mais c’est effectivement mon environnement culturel qui m’éduque ce qui est bien et ce qui est mal. C’est pourquoi le mal peut varier d’une société à une autre et que le bien peut changer d’une culture à une autre. Ce qui est bien dans une société donnée, peut être non-bien dans une autre société. Ce qui est perçu comme mal dans ma société pourrait être vue comme non-mal voire même bien dans une autre société.

Par exemple, le 11 septembre 2001, l’Amérique a connu sur son territoire les attentats terroristes les plus meurtriers de toute son histoire : la destruction de world street center, le pentagone, avec au final des milliers de morts recensés… Les Américains étaient sous le choc, stupéfait ! Qui a pu commettre des tels attentats sur le sol américain ? Qui a pu oser humilier de cette manière la première puissance du monde ? Et très vite le monde entier découvre le visage du supposé cerveau de ces attentats. Oussama ben Laden. Un riche saoudien. Le leader de la cellule terroriste AL QUAEDA. On voit sur une vidéo, cet homme revendiqué la responsabilité des attentats. Oussama devient l’ennemi numéro un des Etats-Unis. Après une longue et difficile traque de l’homme, il sera tué en Pakistan par un commando des forces spéciales américaines.

Comment juger moralement Oussama ? Est-il un criminel sanguinaire ? Est-il un terroriste planétaire ? Est-il un héros anti-impérialiste ? Un résistant musulman ? Un De gaule ou Che Guevara musulman? Beaucoup de musulmans le voient en un héros, un martyr. Plusieurs se rallient à sa cause, partent combattre pour ses idées, financent son organisation. Un diable pour l’Amérique. Un messie, un sauveur pour beaucoup de musulmans. On voit là très concrètement le caractère très relatif de la morale. Une seule certitude : nous n’aurons jamais la même réponse à ses questions. Certainement, la réponse d’un Américain sera sensiblement différente de celle d’un saoudien. Celle d’un individu de culture judéo-chrétienne de celle d’un individu de culture musulmane. Faut-il rêver d’une morale entièrement universelle, d’une morale uniforme ? Serait-elle à notre avantage ? Une humanité moralement homogène est-elle plus harmonieuse qu’une humanité moralement hétérogène ? L’avenir nous le dira, ou plutôt le dira à nos prochaines générations.

 

IV. Conscience, mémoire, imagination

Le sujet conscient est instable. Il change  physiquement et psychologiquement. Ses états psychiques et physiques sont changeants et multiples. Alors est-il toujours le même ? Pourra-t-il être moralement responsable de ses actes ? Malgré la transformation qui altère physiquement et psychologiquement le sujet, la conscience garantit sa stabilité, l’invariabilité de son identité (Cf. Descartes, Locke). Sans la conscience, le sujet pourrait être un sujet multiple, divisé, éparpillé, dédoublé. La conscience solidarise les états successifs de l’homme ; l’homme peut faire l’expérience de ses différents états de conscience mais il continue de rester durablement et continuellement le même sujet. Car sa conscience unifie temporellement ses différents états de conscience. Elle est instantanée, unique, singulière, mais elle demeure en même temps entière, car elle se nourrit du passé et s’oriente, se projette vers le futur. Elle synthétise donc temporellement les différents vécus temporels de la personne. Le présent n’aura aucun sens sans le passé et sans le futur.

La conscience assure ainsi à l’homme la capacité de se souvenir de son passé, le préserve du risque d’oublier totalement son passé : elle est une « mémoire ». En ce sens, Bergson décrit la conscience comme une mémoire, un instrument de souvenir. Sans cette mémoire, l’homme serait incapable de se souvenir de son passé et de ses états de conscience antérieurs. Il serait perpétuellement en éternel renouvellement et en éternel perte de son identité. Il serait chaque jour, voire même chaque instant une nouvelle personne, avec une nouvelle identité. La morale n’aurait dans ce cas aucune signification. Comment juger quelqu’un sur son crime d’hier s’il ne se souvient plus de sa vie d’hier. Impossible. Ca serait la mort de la morale. C’est pourquoi, aux yeux de Bergson, la conscience est vraiment une mémoire. Il n’y aura non plus de connaissance possible sans mémoire. Car la mémoire nous aide aussi à connaitre (Cf. la philosophie empiriste de la connaissance). Par exemple, je vois un jour qu’un nuage se forme et qu’ensuite tombe la pluie. Je vois la même chose un deuxième, un troisième… un nième jour, et, par l’appui de la mémoire, de l’observation habituelle, je peux dire, jusqu’à la preuve du contraire, que la pluie vient du nuage.

La conscience est donc mémoire, mais elle est aussi « projet ». Elle tend, s’ « éclate » vers ce qui n’est pas encore, ce qui est présentement imaginaire. Elle anticipe le devenir, l’avenir. C’est le présent qui effectue le lien entre le passé et le futur. L’homme a un passé mémorisé, un présent vivant et un futur attendu et inconnu. La conscience humaine est donc imaginative, elle imagine l’objet, le réel. Sartre souhaite préciser que la représentation de l’objet réel ne suppose pas son intégration matérielle dans la conscience imageante, puisque la conscience qui l’imagine n’est pas un objet, une réalité matérielle. Ce n’est pas l’objet imaginé qui entre dans ma conscience (comme le cahier entre dans le cartable), mais c’est uniquement son idée qui se présente à l’imagination. Il est donc nécessaire de bien distinguer l’idée de l’objet de l’objet lui-même.

Pour bien expliquer cette idée, Sartre prend l’exemple d’un arbre. L’arbre est un objet matériel qui appartient au monde extérieur du sujet conscient, et j’ai conscience de la présence de l’arbre dans mon environnement. L’arbre est donc dans ma conscience. Mais il est présent dans ma conscience en tant qu’idée, en tant qu’image intellectuelle, en tant que représentation, et non pas en tant que chose, en tant que réel. L’arbre ne peut pas rentrer dans la conscience, il sera rejeté dehors en poussière. L’arbre est un réel matériel, extérieur et la conscience, un néant immatériel intérieur. Sartre distingue dans son analyse entre la perception de l’objet réel et l’imagination de l’esprit. L’image, produit par la conscience imaginative, n’est pas véritablement l’objet réel qu’elle représente. Car l’image imaginée de la réalité est totalement différente de la réalité en question.

En associant mémoire et imagination, la conscience est ainsi ce qui détermine l’unité et l’identité de l’homme. Elle le lie à un passé mémorisé et un futur imaginable. De plus, elle assure la liberté du sujet conscient. Car elle est conséquemment « décision » et  « choix ». Et c’est effectivement les moments de crise, de choix et de décision que notre conscience réalise toute sa signification et sa grandeur. Dans les décisions cruciales, dans les choix conséquents, la conscience mobilise entièrement toutes ses compétences, ses qualités : elle consulte sa mémoire pour s’épuiser de son passé, chercher des situations similaires dans le passé… ; elle convoque également son imagination pour faire défiler les différents scénarios possibles et leurs possibles conséquences imaginables ; elle s’appuie aussi sur sa pensée, ses analyses critiques, son cogito ; elle jette un coup d’œil sur la morale, sur les conséquences morales des décisions retenues, des choix sélectionnés… Elle est à son maximal, à sa plus grande intensité, à sa plus haute vivacité… (Cf. Bergson).

 

V : La conscience, un statut propre à l’homme ?

Nous avons vu que la conscience permet à l’homme de connaitre son environnement immédiat, son intérieur, les valeurs morales de ses actes… La question qui se pose maintenant est de savoir si l’homme constitue le seul être conscient, le seul à disposer de cette faculté. Que penser de l’animal ? Et surtout de l’animal domestique ? Notre chat a-t-il la même conscience que nous ? Les animaux sont-ils conscients ?

Il est vrai que l’animal est lui aussi un être sensiblement informé. Il est un être sensible. Il a des sensations comme nous : sensation de faim, de soif, de joie, de peur… Il peut sentir aussi les choses comme nous: il voit, entend, sent, touche, goûte…. Les animaux sont aussi capables de connaissance, de mémorisation, d’apprentissage. Par exemple : on voit dans le Cirque des animaux effectuer des opérations complexes ; ces opérations sont le résultat d’un long apprentissage. En observant les animaux domestiques, on peut se rendre compte qu’ils apprennent certaines choses, qu’on peut les dresser. On peut par exemple donner un nom à notre animal domestique ; et avec le temps il s’habitue à son nom… De ce fait, certains n’excluent pas chez l’animal la présence d’une forme de conscience.

Mais pourquoi alors cette différence intellectuelle entre l’homme et l’animal? Pourquoi l’espèce humaine est-elle la seule qui a pu évoluée parmi toutes les espèces ? Culturellement, scientifiquement, intellectuellement… Biologiquement, cette différence de conscience pourrait s’expliquer par une différence cérébrale au niveau structurelle et organisationnelle. La comparaison du cerveau humain à celui animal montre que le premier est beaucoup plus développé  que le second. Notre cerveau possèderait plus de 100 milliards de neurones, chaque neurone de ces milliards de neurones se connecte avec un très grand nombre de neurones des autres neurones. Alors que l’animal le plus développé cérébralement parmi tous les animaux, le chimpanzé, le cousin le plus proche de l’homme, ne posséderait que seulement 9 milliards de neurones. La neuroscience nous éclaire bien sur la différence quantitative neuronale entre l’homme et l’animal (voir aussi la thèse empiriste du savoir).

L’homme est-il aussi métaphysiquement supérieure à l’animal ? Pour Pascal, Emmanuel Kant et d’autres philosophes et penseurs, la réponse est oui. Pour Kant, c’est le pouvoir du « je » qui « élève l’homme au-dessus de tous les êtres vivants sur la terre ». Par le « Je », il devient une personne, une unité, il se différencie de l’animal et de toutes les autres choses par le « rang » et « la dignité ». Par le « Je », il sort de la sensation, de la sensibilité, de l’animalité, et passe à la pensée, à l’affirmation, à l’humanité, à la dignité, à la supériorité.

Pour Pascal aussi, c’est la pensée qui fait la grandeur de l’homme. L’homme est faible et « misérable », il est même, selon le philosophe, « le plus faible de la nature ». Mais cet être « faible », « misérable », est paradoxalement l’être le plus noble, le plus digne de tout l’univers. Car il pense. Il est un être pensant, un « roseau pensant ». Il est un être savant, connaissant. Il sait qu’il meurt, il connaît qu’il est misérable, ce qui n’est pas le cas de l’arbre, de l’animal, de l’univers… La pensée, le savoir, la connaissance constitue sa grandeur et sa dignité.

L’homme est donc un être digne qu’on ne peut pas disposer comme une chose. On peut sans problème disposer d’une chose comme on le veut, on peut l’acheter, le vendre, le commercer (ex : l’ordinateur, le mouton, la fleur…). Mais l’homme est lui un être à part, un être dont il nous est interdit d’acheter ou de vendre, de disposer contre son gré. C’est un crime ! D’où l’interdiction de l’esclavage, de l’exploitation de l’homme par l’homme, de son séquestration… 

Mais cette vision de l’homme maitre de l’univers hérisse profondément les écologistes. Pour les écologistes, Green Peace et d’autres, l’homme détruit l’écosystème, ravage la flore, les forets, déstabilise la chaine alimentaire en exterminant des espèces entières, pollue l’atmosphère, les mers, les océans et met en danger la vie des animaux maritimes et aquatiques. Il veut disposer à sa guise la nature et l’écosystème. C’est un crime contre la nature, contre l’animal, contre  la plante, contre la vie… d’où la nécessité selon les activistes et les partis politiques écologiques (les verts) de promulguer des lois, des règles afin de  punir les agissements anti-écologiques de l’homme.

 

    VI. La conscience humaine face à sa limite

 Si nous avons vu dans la première partie de ce chapitre que la conscience est une force à la disposition de l’homme, nous allons voir dans cette deuxième partie que cette même conscience est jugée comme une faiblesse. Des penseurs comme Marx, Spinoza, Nietzsche, Freud…. ont critiqué la conscience sur différents points.

L’homme est un sujet conscient, et c’est cette conscience sa misère. L’homme est immédiatement conscient de la réalité, de soi, de sa nature, de son être. Avec Descartes, il s’auto-connaît. Mais qu’est-ce qu’il est ? Il est un être mortel. Il est un être fini. Il est un être malheureux. Il est malheureux parce qu’il a conscience de sa condition de mortel. Il mourra un jour. Il doit certainement mourir un jour. Quel jour ? Un jour indéterminé. Il est d’autant plus misérablement malheureux qu’il ignore la date de sa mort, l’année de sa mort, le jour de sa mort, l’heure de sa mort. De ce fait, la mort le guette en permanence : il meurt chaque instant, chaque jour, chaque année, etc.

L’homme a aussi conscience de sa faiblesse, de sa petitesse dans l’univers. Pascal explique que l’homme est grand, et que sa grandeur demeure dans sa conscience. Mais, paradoxalement, Pascal décrit un être faible, fragile, un humain qui peut être facilement écrasé par une goutte d’eau. Sa conscience est tel un miroir qui lui reflète sa nature de faible, de misérable. Sa connaissance du monde grandit, se développe, avance. Il découvre l’infinie immensité de l’univers. Et cette immensité inimaginable de l’univers contraste avec son infinie petitesse.

La conscience est aussi un fardeau moral. L’homme a une conscience morale, il sait bien séparer le mal du bien. Mais cet être moral au lieu d’accomplir l’acte bien fait le mal. Pourquoi sa conscience n’empêche-t-elle pas alors le mal ? Peut-être comme le pensait le maître de la sagesse Socrate, la conscience pense faire le bien, et pense naïvement le bien faire. Mais elle se détrompe en se voyant faire le mal qu’elle ne souhaitait pas faire. On sait que Socrate brillait par la bienfaisance, la sagesse, la modestie, la philosophie…. Mais tout le monde n’est pas Socrate. Les hommes font le mal volontairement. Parce que notre conscience nous miroite un profit dans le mal. Mais souvent l’avantage immoralement miroité vire à l’illusion et au cauchemar. Prenons l’exemple d’un élève qui décide de tricher à l’épreuve du Bac. En trichant, cet élève sait la conséquence terrible d’un tel acte moralement immoral et légalement illégal, mais il privilégie la facilité, le raccourci : avoir facilement, sans travailler, sans réfléchir, sans mériter une bonne note. Mais il s’illusionne. Il rêve. Ou plutôt sa conscience s’illusionne. Car il s’est fait attraper en pleine tricherie. C’est la douche froide. La sanction tombe : une note de 00/20 à toutes les épreuves, cinq années de suspension. La galère commence…

De plus, le mal que l’homme a fait volontairement, ou accidentellement, l’accompagne dans sa vie, s’enregistre dans sa conscience-mémoire, se regrette. C’est un poids qu’il portera toute sa vie, un poids lourd, écrasant. Il se sent misérable, fautif, criminel… Même s’il échappe au jugement humain, il sait qu’il ne pourra jamais échapper au jugement divin, au jugement dernier. Il se mord les doigts. Il souhaite même devenir de la terre, de la poussière pour ne pas être jugé par Dieu (Sourate AL NABA : Le Coran). Sa misère, sa faiblesse, son malheur, sa tristesse, son regret, se résument en une seule chose, la conscience.

La conscience est donc intérieurement faible, elle l’est aussi extérieurement. Elle est extérieurement faible et déterminée. Comme l’écrit K.Marx « ce n’est pas la conscience qui produit l’être social, mais c’est l’être social qui produit la conscience ». Par cette formule, Karl Marx veut montrer que la conscience ne se détermine pas par elle-même ; elle est façonnée, forgée par l’extérieur, par la société à laquelle appartient le sujet conscient. C’est donc la société (notre condition matérielle) qui détermine notre conscience, notre manière de penser, d’agir. Le sujet pense qu’il est l’acteur de ses pensées, de ses actes, et que sa conscience dirige, mais il ignore qu’en vérité, c’est sa société qui décide à sa place, qui pense à sa place, qui gouverne sa conscience. C’est la conscience collective qui prime sur la conscience individuelle. Ainsi la toute-puissance de notre conscience, notre liberté serait illusoire, pas réelle.

Par exemple, il est très fortement vrai que le sujet conscient embrasse presque naturellement la religion de sa société-mère, de sa famille, de son pays, de son histoire. Je suis musulman, croyant et pratiquant, mais je ne sais point en vérité le jour, l’instant, le moment que j’ai pris consciemment le choix d’appartenir à cette croyance, à l’islam, à cette belle religion. Le prophète Mohamad (PSL) semble confirmer la thèse de Karl Marx : il a dit dans un hadith que chaque enfant nait musulman et que sa future religion, sa future croyance sera déterminée par sa famille, ses parents (et plus globalement par sa société).

De même, il faut se méfier de notre conscience, car elle est trompeuse. Le proverbe suivant semble confirme cela : « il faut se méfier de l’apparence » ou « l’apparence est trompeuse ». Sartre, de son côté, nous propose l’exemple du jeune homme du café. Ce jeune homme qui travaille dans un café en qualité de serviteur veut vraiment être dans la peau de celui-ci. Il s’amuse à être un jeune homme du café. Il joue. Il fait à peu près les mêmes gestes que le serviteur. C’est un jeu, c’est un personnage, il nous trompe. Il nous trompe et il se trompe aussi. Il veut être ce qu’il n’est pas. C’est de la comédie. La conscience est une comédie. C’est une tromperie. La conscience ne tranche pas donc souvent entre l’apparaître et l’être. En elle, l’être et l’apparaître se mêlent et se confondent.

Pour Spinoza aussi, la conscience est une illusion de liberté. L’homme a conscience de ses désirs, il pense être la source de ses désirs, mais, en réalité, ce dernier ne sait pas vraiment les vraies causes de ses désirs. Il ignore que la vraie cause de ses désirs n’est pas sa conscience, mais extérieure à elle. Ainsi, le sujet n’est pas entièrement responsable de ses propres désirs, il y a d’autres forces extérieures qui en sont en partie responsables. Ces causes sont multiples : la société, les autres, le conditionnement culturel, la dépendance (à la drogue…), etc. C’est pourquoi il est impuissant face à ses désirs, à sa société…

Prenons à titre d’exemple la consommation du khat. Cette plante dont la consommation est devenue à Djibouti un sport national. Presque tout le monde la mâche à la longueur de la journée. Personne ou presque n’est épargnée par ces feuilles éthiopiennes : la jeunesse, les adultes, les salariés, les chômeurs, les hommes, les femmes, les intellectuels, les illettrés, etc. Mais qu’est-ce qui poussent vraiment toute cette foule à la plante verte ? La première fois, c’est peut-être la curiosité, la découverte, l’aventure, ou même pour faire comme les autres. La seconde fois, ce n’est plus de la curiosité, mais peut-être pour « tuer le temps » comme on dit à Djibouti. La troisième, la quatrième fois…, on ne désire plus le khat, on développe une dépendance à sa consommation. Il devient un besoin, et un cercle vicieux dont on ne peut plus sortir se forme. Beaucoup disent qu’ils souhaitent arrêter, qu’ils veulent ne plus jamais retoucher ces feuilles, mais, impuissant devant le khat, ils sont toujours consommateurs. Rares sont ceux qui réussissent leur pari. Beaucoup sont noyés dans le calvaire du khat : ils ne travaillent pas, ne peuvent pas s’acheter régulièrement et suffisamment du khat, certains volent pour se procurer de leur khat, ils volent la famille, les amis, les voisins, les biens publics… Mais où est leur conscience dans tout ça ? Submergée. Impuissante. Désarmée. Spectatrice. Passive. Qu’est-ce qu’elle peut faire ? Malheureusement pas grand-chose.

On voit bien que notre conscience est défaillante. Elle est l’objet de plusieurs critiques. Mais la critique la plus sévère sera signée par le célèbre psychanalyste autrichien, Freud. Pour ce psychanalyste, la conscience humaine est non seulement lacunaire, mais en plus elle ne maîtrise pas l’ensemble du psychisme humain, car une grande partie de notre vie psychique échapperait à notre conscience : il s’agit de l’inconscient. Qu’entend Freud par cette notion d’ « inconscient » ? (voir le chapitre 2).

 

 

                                 CONCLUSION

L’homme est un être doué d’une conscience. Cette formidable faculté permet à l’humain de connaitre, d’être présent à ses actes. Elle saisit immédiatement les objets extérieurs, nos états intérieurs… Elle peut aussi saisir l’identité de l’homme, penser et comprendre la nature et le monde. Par la conscience, l’humain, distinctement de l’animal, sépare le mal moral du bien moral. Il sait le mal et le bien, et il choisit moralement son acte. Il peut choisir le bien comme il peut choisir le mal. Volontairement ou involontairement. Mais, contrairement à l’animal qui ne doit rendre compte à personne, l’être humain doit, lui, endosser la responsabilité de ses actes, car il est consciemment un être moral. Il doit affronter le jugement humain et celui divin. D’autant plus que son passé est mémorisé par sa conscience-mémoire, le sujet conscient est lié à son passé, son présent et son futur.

Mais cette faculté n’est pas parfaite, elle est extraordinaire mais malheureusement lacunaire. Elle est responsable du malheur et de la misère de son sujet. Puisque l’homme est conscient, il est constamment hanté par le mal de son passé, par son imperfection, par l’insatisfaction de son désir, par l’angoisse de la mort, par le néant après son existence, par l’illusion. Car la conscience nous illusionne aussi : notre liberté est illusoire, notre détermination illusoire. Car nous sommes le jouet de notre société, de notre culture, de notre passé, de notre condition matérielle et de notre inconscient. C’est une conscience trompée et qui trompe à son tour par sa comédie, par son hypocrisie, par sa manipulation.

 

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