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BLOG DE PHILOSOPHIE
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1 mai 2020

JUSTICE ET DROIT (3)

                       

                          LOI ET JUSTICE

JUSTICE 3

Le droit suppose une société, des relations entre des êtres humains. Il sert à réguler les relations interhumaines. Il repose sur un ensemble de lois en vigueur dans une société. Puisque les hommes entretiennent des relations multiples (familiales, économiques, professionnelles, etc.), Il arrive souvent que des différends se déclarent entre eux. Ces différends peuvent se passer entre deux individus, entre un individu et un groupe d’individus, entre un groupe d’individus et un autre groupe d’individus (entre deux familles), entre un individu ou un groupe d’individus et une institution (privée ou publique)…Quelque soit  le cas concerné, un différend implique toujours deux parties. Et si l’une des deux parties (ou toutes les deux) saisit la justice, il y aura donc un procès dans ce cas là. L’institution juridique, représentée par les juges, se saisira de l’affaire pour rendre justice aux deux parties impliquées.

En effet, pour que la décision du juge soit fondée et acceptée, il faudrait que les juges soient impartiales. C’est-à-dire le juge doit être désintéressé dans l’affaire qu’il juge. S’il a un quelconque intérêt dans cette affaire, il ne peut plus être légitimement un tiers impartial, car sa décision sera influencée par son intérêt, et donc, au lieu de rendre une décision impartiale, il risque d’aller dans le sens de son intérêt et rendre une décision injuste et intéressée. Ainsi, pour éviter tout conflit d’intérêts dans une affaire juridique, on s’assure que les jugés impliqués ne présentent aucun intérêt quelconque dans les deux parties (la partie accusée et la partie plaignante). Si on soupçonne le moindre intérêt dans l’affaire, on charge cette affaire à un autre juge désintéressé. Par exemple, si un employé d’une entreprise licenciée par celle-ci porte plainte contre l’entreprise en question pour un licenciement abusif et que le juge d’instruction chargé de l’affaire n’est d’autre que l’époux de la patronne de l’entreprise, alors là il peut y avoir un intérêt pour le juge dans cette affaire, car c’est l’entreprise de sa femme qui est accusée et sa décision risque de pencher partialement  vers sa femme, vers l’accusée.

On attend alors d’un juge qu’il soit un tiers désintéressé et impartiale. Sinon son jugement pourrait être contesté et contestable. Et il n y aura, dans ce cas, aucune confiance en la justice. Les hommes risqueront de se faire eux-mêmes justice sans saisir une institution juridique jugée injuste, impartiale, corrompue ou sans aucune souveraineté. Si les hommes se font eux-mêmes justice, ça sera le chaos total dans le sens où chaque victime en se faisant justice elle-même risque de porter un tort à une autre partie, qui elle aussi fera de même en se faisant justice par elle-même. C’est la vengeance qui prévaudra dans ce cas là. Et la vengeance ne peut pas être juste dans le sens où en se vengeant on peut porter un tord supérieur à celui subi et être donc à l’origine d’une nouvelle injustice. Par exemple, si un homme tue mon enfant et que je me venge de lui, emporté par la colère, il peut m’arriver de tuer lui et toute sa famille en mettant le feu chez lui. Et on rentre par la suite dans un cycle de vengeance qui ne se terminera jamais et une guerre permanente, un retour à l’état de nature, à l’état sauvage. C’est pour éviter un tel chaos social que la justice veille à ce que chaque jugement délibéré par les juges soit le plus impartiale et le plus désintéressé possible.

Mais encore est-il que ces deux conditions seules ne suffissent pas pour avoir la justice. Il faudrait aussi que le jugement rendu par la justice soit contraignante. La justice doit appliquer ses jugements. Sinon, même si le jugement est juste, désintéressé, impartial, mais qu’il n’est pas exécuté par l’autorité judiciaire, il ne servira à rien. Puisque si on condamne un criminel qui a tué les enfants d’un autre à la peine à perpétuité, mais que ce dernier n’est pas emprisonné et que, au contraire, il continue toujours à mener sa vie tranquillement chez lui sans être inquiété par la justice, on bascule là aussi à la vengeance. Parce que la victime, ayant désespérée de la justice, pourrait elle-même se faire justice en tuant le condamné (ou son bourreau) et pourrait commettre pire que ça….

Chaque société repose ainsi sur une loi pour rendre justice. Le juste est ce qui est conforme à la loi de la société. Le juste est ce qui respecte la loi. L’injuste est ce qui est contraire à la loi, ce qui ne respecte pas la loi. Par exemple, si un chauffeur qui voit que le feu est rouge renverse un élève qui traverse la route en passant par le passage piétant, ce chauffeur a tord, son acte est injuste. Il doit donc être sanctionné par la loi pour avoir manqué au règlement de la circulation routière. L’élève est conforme à la loi, il est donc victime. Cependant, il arrive que la loi soit contraire à la raison et à la morale. Dire que le juste est le légal est inexact dans ce cas.

Nous savons que les lois sont très relatives. Chaque société a ses propres lois. Mais nos lois sont-elles toutes justes ? Est-il légitime de les respecter même quand elles nous paraissent injustes ? Il y a toujours un écart très significatif entre l’idéal de justice qui est le nôtre et les lois en vigueur dans notre société. Les lois ne s’imposent pas identiquement à tous les individus ; certaines lois sont qualifiées par certains d’injustes. D’autres considèrent ces mêmes lois très justes. Pourquoi avons-nous donc des jugements si différents sur les mêmes lois ? Pour répondre à cette question, on peut dire que si les lois ne sont pas jugées par tous les hommes comme justes, c’est parce que soit ces lois ne sont pas conformes à notre idée morale  (ou rationnelle) [1] de la justice, soit qu’elles sont contraires aux intérêts de ceux qui les rejettent. Et dans les deux cas, il est difficile voire impossible de remédier à ce problème.

Premièrement, il est clair que, dans une société donnée, les individus de cette même société poursuivent des intérêts divergents, voire même pour certains diamétralement opposés. Et par conséquent, il sera impossible pour le pouvoir politique de réussir totalement à instituer des lois qui servent équitablement tous les intérêts de ses citoyens. Si généralement, les lois d’un Etat de droit sont vues positivement, il n’empêche qu’un certain nombre de lois divisent l’opinion publique. Prenons, à titre d’exemple, la loi sur le mariage. Dans plusieurs pays du monde, même parmi les plus démocratiques, la loi autorise uniquement le mariage hétérosexuel, c’est-à-dire que seul un couple sexuellement hétérogène est autorisé à contracter un mariage civil. Ce qui exclut bien sûr civilement tout mariage homosexuel. De ce fait, les homosexuels (ainsi que les militants pour la liberté) jugent cette loi du mariage discriminatoire, injuste car contraire à leur liberté individuelle et précisément à leur orientation sexuelle. De leur côté, si certains couples hétérosexuels souhaitent un mariage pour tous, beaucoup, particulièrement des religieux conservateurs, se rangent derrière cette loi et s’opposent à une loi autorisant le mariage homosexuel (ou gay). Et quand certains pays, comme récemment la France, franchissent le pas en légalisant le mariage homosexuel, des masses de citoyens (des hétérosexuels, des religieux, des conservateurs) se jettent dans la rue pour dire non à cette loi qu’ils scandent être injuste et contrenature.

Un autre exemple est celui de la loi interdisant en France le port du voile (intégral ou pas) dans l’espace public. Si un bon nombre de français, et majoritairement les français non musulmans et certains partisans de la laïcité, encouragent cette loi et exigent sa stricte application dans l’espace public, d’autres, majoritairement des français de confession musulmane, voient en cette dernière, une décision islamophobe qui stigmatise une franche de la population, et cible une confession particulière. D’où le refus de certaines femmes françaises de confession musulmane de se conformer à cette loi quand elles se trouvent dans l’espace public.

Il est possible de multiplier les exemples, mais ces deux exemples suffisent largement à montrer concrètement que les lois humaines ne font pas partout l’unanimité des hommes. Car elles ne peuvent pas simultanément être en faveur des intérêts de tous les citoyens. Elles penchent pour une catégorie ou pour une autre. Et à Rousseau de dire qu’ « il faudrait des dieux pour donner des lois aux hommes ». Or on pourra dire que même les lois divines (celles venant des dieux) n’arrivent pas à satisfaire tous les hommes. Par exemple, l’islam prescrit aux femmes de couvrir leur corps et de porter un voile. C’est une loi islamique et divine. Si certaines femmes se soumettent à cette prescription religieuse en se voilant le corps, d’autres, renvoyant cette prescription à un contexte particulier qui n’est plus valable aujourd’hui, elles se disent non contraintes à porter le voile islamique et s’habillent comme bon leur semble. Qui a tord et qui a raison ? Toute est une question d’interprétation textuelle ou contextuelle.

                Deuxièmement, puisque comme nous venons de le voir, les intérêts des individus d’une société ne sont pas les mêmes, une lutte politique est donc inévitable entre les différentes catégories sociales. La législation devient un champ de bataille entre les forces politiques en présence. Chaque catégorie sociale (les ouvriers, les patrons, les jeunes, les femmes, les homosexuels, etc.) se range politiquement derrière un parti politique qui est celui qui défendra leurs intérêts. Les ouvriers s’allient au parti du gauche radicale pour espérer une amélioration de leurs conditions de travail. Les patrons, les riches, votent et soutiennent traditionnellement la droite libérale qui propose un programme politique de libéralisme économique.

En effet, faute de consensus, les différentes catégories sociales s’engagent dans une bataille politique : les gagnants fixeront les lois et les perdants perdront leurs intérêts. Ainsi, c’est le parti politique qui détiendra la majorité au parlement (le pouvoir législatif) qui ferra les lois. La majorité des lois qui seront votées seront en faveur des intérêts des partisans de ce parti politique. Chaque parti au pouvoir institue des lois au service des intérêts de ses partisans. Entre ces forces politiques qui bataillent sur la scène politique (et législative) se piétinent les intérêts des faibles, de ceux qui ne sont pas représentés politiquement. On a là donc un droit politisé, étranger parfois à toute exigence rationnelle et morale. C’est le droit des plus forts, ou pour le dire en vocabulaire marxiste, le droit de la classe bourgeoise, la classe politiquement et économiquement dominante.

            On comprend donc très bien pourquoi le légal n’est pas toujours en accord avec le juste. Car le légal ne s’enracine pas dans l’idéal rationnel, mais en revanche, il est le produit d’une réalité sociale, politique, économique. L’idéal est une chose, le réel en est une autre.

 

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