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DEMONSTRATION ET VERITE

Le but de la démonstration est, comme son nom l’indique, de montrer la vérité. C’est une démarche qui consiste à prouver le vrai. Au sens large du terme, la démonstration désigne toute tentative visant à prouver la véracité d’une affirmation. Elle consiste au fait d’avancer des justifications et des preuves dans le but de prouver que quelque chose est vraie. Au sens précis, la démonstration est défini comme un raisonnement logique composé d’une suite de propositions dans le but d’arriver à une conclusion nécessairement vraie.

Ainsi la vérité est la fin de toute démonstration. Avant de développer l’explication de la démonstration, une définition de la vérité s’impose d’abord. Dans la réalité, la vérité est l’adéquation entre ce que l’on dit et ce que l’on sent. Est vrai tout discours qui correspond à la réalité qu’il désigne. Par exemple, si je vois une voiture rouge de marque Toyota renversée un passant sur la route, et que je dis à la police en tant que témoin que la voiture qui a causé l’accident est une voiture rouge de marque Toyota, alors là je dis vrai. Mon propos ou mon discours est vrai car il y a une correspondance entre ce que je dis et ce que je vois ou ce qui s’est vraiment passé. Par contre, si je dis que c’était une moto bleue qui avait renversée la victime : je ne dis pas vrai dans ce cas, ce que je dis est faux parce qu’il ne correspond nullement à ce que je vois ou ce que j’ai vu.

Quand je parle, je ne m’adresse pas à moi, mais souvent à l’autre. Je veux dire à l’autre ce que je vois (mon sentiment, ma pensée, ma volonté…), il est absurde et inutile de se dire à soi-même ce qu’on voit soi-même. Par contre, il est normal de dire quelque chose à celui qui ne voit pas ce que je vois, ou qui n’a pas vu ce que moi j’ai vu. Il y a donc vérité que quand ce que je communique à l’autre et parfois à moi-même est en parfaite adéquation avec ce que je vois, entends ou sens, car la vérité dont il est question ici est une vérité sensible et observable. Sinon, on ne serait pas capable de dire si le discours est adéquat à la chose ou à l’objet concerné. On est, dans ce cas, dans l’ordre de l’observable et du sensible. C’est l’observation ou la sensation de l’autre qui permettra de valider si ce qu’on dit est vrai ou pas.

Si, par exemple, quelqu’un dit à un autre que la lune est pleine. Il suffit que ce dernier regarde la lune pour dire si ce qu’on lui dit est vrai ou faux. Si la lune apparait à lui encore incomplète, alors il dira qu’elle n’est pas parfaitement pleine. Dans ce cas, il pourra considérer ce que je dis comme faux en partant de sa sensibilité, notamment de sa vue. Au contraire, s’il voit lui-aussi qu’elle est pleine, alors là il dira que ce qu’on lui a dit est vrai. Il confirmera que la lune est pleine.

Il est noté alors que c’est le discours qui peut être soit vrai soit faux, pas le réel. Le réel est un corps ou un objet présent et existant. Il n’est ni vrai ni faux. Il est là. Il existe. Il est réel. On ne peut pas, par exemple, dire que la lune est vraie ou fausse. Ca ne veut rien dire. La lune est un objet réel. C’est donc toujours un jugement sur un réel ou une chose irréelle qui peut être jugé à son tour par un autre jugement comme étant vrai ou faux. C’est donc toujours un jugement sur un objet (réel ou imaginaire) qui sera jugé. Si l’affirmation est adéquate à la réalité qu’elle juge, elle est dite vraie, sinon, elle est fausse. Soit entièrement fausse, soit en partie fausse.

Il est clair que la vérité n’est pas donc toujours certaine et qu’elle n’est pas facile d’accès. Il est possible de faire une erreur dans son jugement. Si le jugement est erroné alors ce qu’on dit à l’autre ne sera pas vrai. On peut ainsi s’errer concernant nos jugements sur la réalité. Tout ce que nous disons ou pensons, disons-le, n’est pas forcément vrai. Il est possible de s’errer, de se tromper ou de mentir. Il est question d’erreur quand on se trompe en pensant détenir la vérité, alors qu’on est loin du vrai. Celui qui ment sait la vérité, mais il ne veut pas intentionnellement la révélée à tout le monde. Il la cache aux autres. Il nous présente comme vrai ce qu’il sait n’est pas être vrai. Ce dernier ne se trompe ni ne s’erre, mais on dit qu’il ment. Il sait la vérité, mais il la cache. Il a certainement sa raison. Une raison justifiée ou pas. Même si moralement (et même juridiquement), il est défendu de mentir.

Sur ce point, un voleur qui sait qu’il a volé un diamant vous dira qu’il n’a pas volé ce diamant et qu’il n’a jamais mis ses pieds dans cette banque où se trouvait le diamant volé. C’est un mensonge. Il ment et il le sait. Pour toutes ces raisons, il ne faut pas accepter naïvement toute affirmation comme étant une vérité absolue. La vérité est toujours donc problématique. Elle doit être prouvée. Une vérité sans preuve est une vérité incertaine et peu sûre. D’où l’intérêt de la démonstration. La démonstration a pour intérêt de prouver la vérité. Sans elle, on ne peut pas être sûr si ce qu’on dit ou affirme est vrai ou pas.

Dès lors, il est possible de recourir à la preuve matérielle pour prouver quelque chose. On prouve la vérité d’une manière matérielle et physique. A ce sujet, si on accuse un homme d’être derrière le meurtre d’une personne, on doit alors avancer des preuves devant la justice pour prouver sa culpabilité. Ces preuves peuvent êtres des empreintes digitales ou des traces d’ADN récoltées sur la scène du crime, mais aussi des témoignages qui témoignent que l’accusé était vu sur le lieu du crime (ou ses environs) le jour du crime et surtout un mobile qui justifie le crime lui-même. Sans tous ces éléments, on ne peut pas prouver la culpabilité de l’accusé.

Mais la preuve matérielle n’est pas la seule manière de prouver le vrai. Il est aussi possible de prouver la vérité par un raisonnement démonstratif. Quel est donc le fonctionnement du raisonnement ? La vérité de la démonstration logique est-elle plus solide que celle matérielle ?

LE RAISONNEMENT DEMONSTRATIF

On vient de voir que la vérité peut être liée à notre réalité sensible. Mais ce n’est pas toujours le cas. La vérité concerne aussi des choses abstraites et extérieures à la réalité. On parle dans ce cas d’une vérité théorique. La vérité théorique ne peut aucunement impliquer la sensibilité parce qu’elle n’est pas réelle et évidente. Pour cela, pour la connaitre, il est nécessaire de recourir à un raisonnement, à une méthode logico-cohérente dont le but est de prouver la vérité d’une affirmation. Le raisonnement démonstratif est fondé sur une méthode démonstrative, autrement dit sur un raisonnement. La démonstration la plus solide est celle basée sur un raisonnement discursif et logique.

La démonstration est ainsi un raisonnement cohérent fondé sur un enchainement de propositions dans le but d’aboutir à une conclusion. C’est une démarche largement pratiquée dans la science mathématique. Dans les autres sciences dures (la physique et la biologie), on utilise généralement l’expérimentation pour valider une hypothèse (biologique ou physique). La démonstration est théorique, universelle, logique, déductive et vraie. Elle se distingue de la preuve matérielle et de la vérité intuitive. La preuve matérielle fait appel à des éléments matériels extérieurs (témoignages, documents…) pour prouver quelque chose. C’est une preuve qui n’est pas donc toujours solide, elle peut être manipulée ou trompeuse. Scientifiquement parlant, le raisonnement démonstratif est la démarche scientifique la plus rigoureuse en ce qui concerne la connaissance de la vérité.

Si le raisonnement est la démarche scientifique la plus rigoureusement vraie, c’est parce qu’il obéit méthodiquement à un ensemble de principes logiques. Une démonstration doit d’abord être cohérente et logique. Une démonstration incohérente sera invalide. Aristote avance l’identité comme le deuxième principe de la logique. Une chose doit être identique qu’avec elle-même. A doit être identique à A. Le troisième principe est la non-contradiction : une chose ne peut pas être en même temps elle-même et son contraire, c’est-à-dire A ne peut pas être à la fois A et non A. Par exemple, le ciel est bleu, le ciel n’est pas bleu est une contradiction. Et enfin, une question qui n’admet que deux solutions ne peut pas avoir une troisième réponse. C’est le tiers-exclu. Mon père est mort ou mon père est encore vivant. Une troisième situation est logiquement exclue.

Le raisonnement démonstratif se déroule de deux manières : il y a la méthode déductive et la méthode inductive. La méthode déductive est une démarche démonstrative qui, en partant d’une première prémisse générale, aboutit à une conclusion nécessairement vraie. Dans l’induction, on part du général au particulier. Car ce qui est vrai pour le général l’est aussi logiquement pour le particulier. En ce sens, si je dis que tous les êtres humains mangent de la nourriture pour vivre, alors je peux dire que les humains qui vivent à Djibouti aussi mangent de la nourriture pour vivre. Car ce qui est vrai pour l’ensemble des hommes est logiquement vrai pour chaque homme (groupe humain) particulier appartenant à ce grand ensemble.

L’autre façon de démontrer qu’une affirmation est vraie, c’est ce qu’on appelle la méthode inductive. A l’opposée de la méthode déductive, l’induction propose une vérité générale à partir de plusieurs cas particuliers. C’est une méthode qui se fonde sur la répétition et l’habitude. En observant plusieurs cas particuliers, on peut affirmer par induction un jugement général. A titre d’exemple, si on dit que la pluie vient du nuage, c’est parce que nous avons observé plusieurs fois du nuage avant la tombée de la pluie. Toutefois, l’induction est un raisonnement moins solide que la déduction. C’est un raisonnement qui est vrai tant que le rapport entre les parties associées est maintenu ; si un jour on observe de la pluie sans qu’il y ait du nuage, alors à partir de ce jour le jugement auparavant soutenu ne sera plus valable. Il sera juste donc de dire dans ce cas que la pluie peut tomber sans le nuage ou que la pluie ne dépend pas du nuage.

Aristote de son côté avance son syllogisme comme étant la méthode démonstrative par excellence. Il avance un syllogisme composé d’une série de propositions liées entre elles : la première proposition qui ouvre la démonstration est aussi appelée la prémisse majeure, la deuxième étape comporte la proposition mineure et le syllogisme se termine par une dernière proposition qu’on appelle la conclusion. Voici un exemple de syllogisme développé par le philosophe : Tous les hommes sont mortels ; Socrate est un homme ; Socrate est donc mortel. Dans ce syllogisme aristotélicien, la première étape (la prémisse) est liée à la deuxième (par le terme « homme ») et à la conclusion (par le terme « mortel ») et la deuxième est liée à la conclusion (par le terme Socrate). Le syllogisme est ainsi un raisonnement méthodique, cohérent et solide.

LA DEMONSTRATION FACE A SA LIMITE

On a vu dans ce qui précède que la démonstration se fixe comme objectif final de prouver la vérité par des moyens différents (par des éléments matériels, par un raisonnement logique, etc.). Mais toute vérité n’est pas démontrable et n’admet pas une preuve. Il y a les vérités naturelles les plus évidentes qui ne nécessitent pas particulièrement une démonstration. Ce sont des vérités tellement évidentes pour tout le monde. Si je dis, par exemple, je suis vivant à quelqu’un. Je dis là une vérité qui n’a pas besoin d’être démontrée. Car il est évident pour tout le monde que je suis vivant, que je suis en vie et que je ne suis pas mort. C’est une vérité indiscutable. Toute vérité n’implique pas ainsi systématiquement une démonstration. Les vérités évidentes et claires, comme le soutient Descartes, ne nécessitent aucune démonstration.

Ce ne sont pas seulement les vérités évidentes qui échappent à la démonstration, mais il y a aussi d’autres affirmations que la démonstration n’est pas capable de démontrer. Ce sont mêmes des vérités impossibles à démontrer. A ce propos, si on revient sur la chaine de la démonstration, on a pu voir que toute démonstration commence par une première proposition qu’on appelle prémisse. La prémisse est la première proposition qui ouvre le raisonnement dans une démonstration. C’est le point de départ même de la démonstration. Si elle est vraie, la démonstration peut être valide si le reste est vrai. Mais si elle est fausse, même si la suite est vraie, la démonstration n’aura aucune validité et aucune vérité.

Or il convient de savoir que la prémisse ne peut pas être démontrée dans toute démonstration. Pourquoi ? Et parce que si on cherche à démontrer la première proposition (la prémisse) alors dans ce cas on doit mettre en place une nouvelle démonstration dont la prémisse sera la conclusion finale à valider. Or cette dernière démonstration aura elle aussi une première prémisse à son départ qui elle aussi nécessitera une nouvelle démonstration. De ce fait, la démonstration de la prémisse d’une démonstration nous conduit à une suite de démonstrations infinie et donc sans résultat, elle nous condamne à un recul sans cesse : c’est ce qu’on appelle la régression à l’infini.

Par conséquent, la démonstration repose sur une première proposition qu’on appelle prémisse parce qu’elle est une proposition admise en avance préalablement sans démonstration. C’est une proposition admisse comme étant vraie et évidente. On peut donc dire que la démonstration elle-même n’est pas capable de démontrer la vérité de toutes les propositions qui la compose. Elle fait intervenir la croyance lorsqu’elle n’arrive plus à prouver. La prémisse repose ainsi sur la croyance et non sur une preuve démontrée. Elle est posée comme vraie et valide sans aucune possibilité de démonstration. Il faut seulement supposer qu’elle est vraie.

De la même manière, comme l’avait déjà indiqué Pascal, la raison humaine ne peut en aucun cas tout démontrer. Elle doit reconnaître sa limite. En ce sens, dans le monde métaphysique, par exemple, la question relative à l’existence de Dieu échappe fondamentalement à la démonstration. Seul le cœur peut sentir l’existence de Dieu. Et Pascal affirme que Dieu est une vérité uniquement sensible au cœur et que la raison ne peut pas atteindre. C’est un excès ou une folie, dira Pascal, pour la raison de vouloir chercher à démontrer Dieu. C’est hors de sa capacité, de sa frontière, de son domaine. Car Dieu n’est pas démontrable mais il est sensible. C’est le cœur qui sent Dieu, la raison, elle, ne peut rien sentir, elle pense, elle raisonne, mais elle ne sent aucunement. Le cœur ne peut pas penser et la raison ne peut rien sentir. Chacun doit rester dans son domaine et ne doit pas s’étendre sur le domaine de l’autre : il y a là, selon Pascal, deux ordres de vérités : la vérité du cœur et celle de la raison.

LA DEMONSTRATION

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