« Si l’Etat est fort, il nous écrase. S’il est faible, nous périssons. »
Le 4 mai 2019, sur BLOG DE PHILOSOPHIE

 

 « Si l’Etat est fort, il nous écrase. S’il est faible, nous périssons. »

                                                         Paul Valéry.

 

Cette citation de Paul Valéry souligne le caractère problématique du rapport entre l’Etat et l’individu, ou l’Etat et la société. Tout Etat a besoin de force, de pouvoir (politique et juridique) pour pouvoir organiser la vie sociale. Sans ses institutions politiques, l’Etat sera faible et sans aucune autorité, il sera incapable de garantir l’ordre public. L’Etat doit donc être plus fort que l’individu (et la société) car sans cela il ne sera pas capable de contraindre l’individu. Pour cela, l’Etat se dote d’un nombre d'institutions politiques pour renforcer son pouvoir et son autorité. Il s’appuie sur plusieurs institutions politiques telles que le gouvernement, le parlement, la justice, la police, le militaire, etc. Il dispose ainsi le recours à la « violence physique légitime » (Cf. Max Weber). Il a le pouvoir de tuer (des ennemis extérieurs, des condamnés à mort étrangers ou nationaux…), d’interpeller, d’emprisonner des criminels, de punir les contrevenants à la loi (amende, emprisonnement, etc). Sans cette violence nécessaire et légitime, l’Etat ne pourra pas accomplir ses missions.

Mais si l’Etat devient très (trop) fort, il écrase la société et l’individu. Un Etat policier dont lequel un seul homme totalise tous les pouvoirs conduit généralement à la dictature, à la tyrannie, au totalitarisme, à l’oppression. On aura un Etat qui ne respecte pas les libertés fondamentales des individus, un Etat qui opprime les libertés. L’oppression serait généralisée. Un Etat qui domine avec tout son poids la société et l’individu. Mais pour limiter le pouvoir de l’Etat, et pour se protéger contre le pouvoir abusif de l’Etat, il est nécessaire de maîtriser le pouvoir de l’Etat. En effet, avec la démocratie, il est décidé de diviser les pouvoirs politique et juridique de l’Etat. Il est attribué à la justice le pouvoir judiciaire, au parlement, le pouvoir législatif, au gouvernement, le pouvoir exécutif…Il est donné au peuple le pouvoir d’élire les législateurs, les gouvernants, etc. Cette séparation des pouvoirs a pour but de limiter le pouvoir de l’Etat, d’équilibrer les différents pouvoirs pour que l’Etat n’abuse pas de son pouvoir, de sa violence.

Limiter le pouvoir des institutions est une chose, affaiblir l’Etat est une autre chose. Si l’Etat est faible, « nous périssons » comme le dit Valery dans cette citation. Car un Etat faible qui ne dispose pas de pouvoir (politique et juridique) et d’institutions fortes ne peut aucunement organiser la vie sociale. Quand l’Etat s’affaiblit, la société plonge dans le chaos, dans le désordre, dans la loi du plus fort. La vie sociale périt. Et là où l’Etat périt la loi aussi périt et avec elle périt la liberté (Cf. Rousseau). Les lois ne disparaissent pas pratiquement, mais elles ne trouvent plus des institutions fortes (justice, police, gendarmerie…) capables de garantir leur stricte application. Un Etat est faible quand il n’est pas le seul qui dispose de la « violence légitime », et que d’autres (groupes armés) disposent dans la société d’une force armée qui dévie des institutions étatiques faibles ou qui soumettent l’Etat sous sa domination.

Paul Valéry veut montrer dans cette citation que l’Etat doit être fort sans pour autant être très fort. Si l’Etat est faible, il ne peut pas assurer l’ordre public, il serait lui-même soumis à des forces plus fortes que lui. Il doit donc être fort pour dominer toute autre force extérieure à lui. Mais en cherchant toujours à être plus fort, toujours à dominer, à soumettre, l’Etat risque d’écraser le groupe et l’individu. C’est ce risque que veut nous avertir Valéry dans cette belle citation philosophique.

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