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BLOG DE PHILOSOPHIE
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14 février 2024

L'homme est-il l'esclave de son inconscient ?



 

Suis-je l'esclave de mon inconscient ?

 

 

Etre doué de conscience, l'homme est traditionnellement considéré par la philosophie comme étant un sujet conscient transparent à lui-même et donc maitre de sa pensée et de son agir. En ce sens, on confère à l'homme une liberté qui lui permet d'agir et de choisir librement et, par conséquent, une responsabilité face à ses actes.

Toutefois, cette idée d'un sujet conscient qui maitrise pleinement sa vie se heurte à l'hypothèse freudienne selon laquelle l'homme est habité par une force psychique étrangère à sa conscience et qui est capable de le dominer et déterminer sa vie. La psychanalyse parait ainsi mettre à mal la liberté et la responsabilité de l'homme et pourrait nous conduire à envisager ce dernier comme le jouet des forces aveugles et inconscientes qui échappent à sa conscience.

D’où le problème philosophique de notre sujet : l'homme est-il un sujet pleinement conscient et maître de ses pensées et de ses actes ou est-il, au contraire, l'esclave de son inconscient psychique ?

Dans l'analyse de ce problème, il s'agira d'abord d'étudier en quoi l'inconscient freudien peut-il soumettre l'homme à une réalité psychique inconsciente. Il sera ensuite analysé pourquoi la conscience humaine est-elle la condition de sa liberté et de sa responsabilité. Avant de finir par comprendre comment l'inconscient peut-il être un besoin psychologique chez l'homme.

 

 

Après la révolution de Copernic et celle de Darwin, Freud pense avoir humilié la mégalomanie de l'humanité pour la troisième fois avec sa nouvelle science, la psychanalyse. A travers son hypothèse sur le psychisme de l'homme, Freud soutiendra que notre monde psychique n'est pas entièrement conscient. Pour le fondateur de la psychanalyse, une grande partie de notre vie psychique est extérieure à la lumière de notre conscience, c'est ce qu'il appelle le "Ca". Il existe des désirs, des pulsions et des tendances inconscientes, c'est-à-dire qui échappent entièrement à notre conscience, qui nous dirigent vers une telle action ou vers une telle autre. Nos actes et nos comportements peuvent ainsi être le résultat de notre inconscient. Autrement dit, l'homme est soumis à son inconscient. Pour illustrer cela, Freud nous propose plusieurs exemples de comportements qui nous échappent. Par exemple, le lapsus qui est le fait de dire une parole inconsciente et non volontaire est la preuve, selon lui, que nous sommes sous le contrôle de nos désirs inconscients. C'est toujours un désir issu de notre inconscient qui se manifeste dans le lapsus, comme pour tous nos autres actes inconscients.

Ce n'est pas seulement nos désirs qui peuvent provenir de notre inconscient, c'est aussi nos sentiments, nos états émotionnels intérieurs qui peuvent avoir leur origine dans la partie inconsciente de notre psychisme. L'homme peut ressentir des émotions ou des sentiments qu'ils ne contrôlent plus et qu'il n'arrive pas à saisir le sens. C'est le cas de l'angoisse. Dans l'angoisse, l'homme ressent une peur permanente et indéterminée. Il n'arrive pas à connaitre la véritable source de son angoisse. Nous ne savons pas pourquoi nous sommes angoissés.  Et d’où vient notre angoisse ? De la même manière que la phobie, une peur inexpliquée et irrationnelle devant des choses inoffensives, que Freud affirme être une autre manifestation de notre inconscient, l'angoisse nous submerge et on devient impuissant face à elle. Notre conscience est impuissante pour faire face ou pour maitriser l'angoisse qui nous gâche la vie.

Freud n'est pas le seul à avoir constaté des manifestations inconscientes chez l'homme. Avant lui, plusieurs philosophes ont eux aussi parlé de certains comportements qui ne sont pas sous le contrôle de notre conscience. Spinoza avait ainsi montré que l'homme peut avoir conscience de ses actions mais qu'il n'a pas toujours conscience des causes qui sont à l'origine de nos actes. Nous nous voyons faire telle action et nous pensons, en conséquence, que nous l'avons choisie et qu'il s'agit d'une action pensée et réfléchie. Pour bien illustrer cela, Spinoza prend l'exemple d'une pierre qui tombe en chute libre. Cette pierre, consciente uniquement de son mouvement de chute en plein milieu de sa chute, se croirait être la cause de son mouvement.

Pour Descartes aussi, il nous arrive d'avoir des désirs sans savoir les raisons derrière nos désirs. Descartes nous dit qu'il a vécu lui-même un désir pendant son enfance et qu'il avait une attirance pour une fille louche qui avait un petit défaut visuel. Il constate que son désir l'accompagnera jusqu'à son âge adulte et qu'il continuera, adulte, à ressentir la même attirance envers les personnes louches sans savoir pourquoi. De ce fait, Freud avait approfondi et théorisé l'existence des phénomènes inconscients que plusieurs avaient abordés avant lui.

 

Selon la psychanalyse donc, mais aussi avec certains philosophes, nous avons vu que l'homme est soumis à des phénomènes inconscients auxquels il semble ne pas pouvoir échapper. L'homme pourrait ainsi être envisagé comme le jouet de son inconscient, mais l'homme peut-il alors encore être considéré libre et responsable de lui ? L'inconscient n'exclut-il pas définitivement notre liberté et notre responsabilité devant nos actes et nos choix ? 

 

La philosophie a toujours défini l'homme comme le seul être capable véritablement de conscience. Par conscience, on entend une capacité de connaissance par laquelle l'homme devient capable de se connaitre (conscience de soi), de connaitre son monde extérieur (conscience immédiate) et de connaitre les valeurs morales de ses actes (conscience morale). Ainsi, Descartes, dans ses méditations métaphysiques, cherche à nous montrer que l'homme peut s'autosaisir et donc connaitre son intériorité. En ce sens, il affirme que l'homme est un "sujet pensant" ou une "substance pensante". Même si Descartes n'utilise pas encore littéralement le terme conscience, n'empêche qu'il est considéré être le premier à avoir initié la conscience de soi.  C'est donc la conscience de soi qui nous permet de nous connaitre nous-mêmes directement et d'être transparent à soi. L'homme sait ce qu'il pense, ce qu'il fait, il sait pourquoi il fait telle ou telle chose, parce qu'il a conscience de ce qui se passe en lui, ses pensées comme ses actes. C'est pourquoi la philosophie classique considéré l'homme un être transparent à lui et maitre de lui-même.

Il est clair que c'est de notre conscience que découle notre liberté et notre responsabilité. Pour la philosophie, l'homme est un être conscient et donc un être libre. Sartre dira même que "l'homme est condamné à être libre". Nous ne pouvons pas échapper de notre liberté quel que soit le prétexte. Et la liberté est à son tour indissociable de la responsabilité. Seul un être libre comme l'homme doit répondre de ses actes. A ce propos, comme nous pouvons le voir avec Bergson, quand l'homme fait un choix ou prend une décision, sa conscience est pleinement sollicitée, elle est à son niveau le plus élevé. Parce que c'est elle qui est le moteur de nos décisions et de nos choix et de ce que la philosophie appelle notre libre-arbitre.

Par ailleurs, la psychanalyse elle-même admet que l'homme peut avoir le pouvoir de canaliser ses pulsions voire même de s'en affranchir. Autrement dit, l'homme n'est pas fatalement et inéluctablement dominé par son inconscient. Il a un levier sur celui-ci. Par exemple, Freud lui-même explique qu'il a soigné certains malades psychologiques en leur permettant de prendre conscience de leurs désirs inconscients et donc de parvenir à les canaliser positivement et de s'en libérer. La psychanalyse pense pouvoir interpréter et nous permettre de saisir le sens de nos rêves, de nos paroles ou actes manqués. Nous pouvons se libérer des désirs inconscients liés à nos actes inconscients.

De même, toujours, selon la psychanalyse, le sujet conscient peut orienter positivement des pulsions à l'origine destinées vers une voie négative. Selon Freud, certains de nos désirs inconscients peuvent être sublimés. Par sublimation, la psychanalyse entend le fait de donner une destination positive à notre inconscient, c'est-à-dire socialement et culturellement valorisée. A titre d'exemple, les artistes expriment dans leurs œuvres d'art des pulsions qui les animent et qu'ils ignorent les raisons de leur présence. Mais ce sont ces pulsions qui vont leur inspirer pour leur permettre de créer une œuvre d'art qui pourra être admirée par tous.

 

Disons donc que l'homme n'est pas inéluctablement l'esclave de son inconscient mais qu'il est un être libre capable de maitriser ses désirs et ses pulsions même les plus sauvages. Mais l'inconscient n'est-il pas un besoin psychique plutôt qu'une réalité psychique ?

 

C'est notre liberté qui justifie l'idée d'un inconscient pourrait-on penser. Car la liberté, c'est la responsabilité. Etre libre, c'est aussi être responsable et répondre de ses actes devant la justice humaine et celle divine selon la religion. Or, l'homme ne souhaite pas toujours assumer les conséquences de sa liberté, de ses choix et de son agir. Quand les conséquences de ses choix et de ses décisions ne lui plaisent pas, il cherche à se dédouaner par tous les moyens possibles. Et l'inconscient est l'un de ces prétextes que les hommes évoquent dans leur tentative d'échapper à leur liberté. A ce propos, Sartre qualifie l'inconscient comme une "mauvaise foi" dans laquelle l'homme se ment à lui-même. C'est un mensonge à soi. L'inconscient n'est pas plus qu'une échappatoire, car la liberté est un fardeau lourd à porter pour l'homme.

De plus, l'inconscient représente pour l'homme une forme d'assurance et de consolation face à ses échecs. Ils nous arrivent d'échouer dans la vie. L'échec est humain. On échoue dans une épreuve, dans une compétition, dans notre vie professionnelle, dans la politique, etc. Et un échec est difficile. Ce n'est jamais agréable de vivre un échec. Certains échecs sont plus cuisants que d'autres. Personne n'aime échouer. Nous voulons tous réussir dans la vie. Mais l'échec est inévitable. Tôt ou tard, on échouera un jour. Et l'échec nous fait mal. Il nous humilie. Il porte un coup dur à notre fierté et notre confiance sur soi. Comment réagir alors devant notre échec ? Face à l'échec, on cherche une source de consolation. Et voilà que Freud vient à notre secours. Il nous dit que notre échec ne dépend pas vraiment de nous, qu'il s'apparente à notre enfance, à une maltraitance que nous avons vécue durant notre petit âge. Ce sont des souvenirs inconscients et infantiles qui sont à l'œuvre. On se sent soulager. L'inconscient ? Quelle bonne nouvelle ! Quel soulagement !

 

Et de son côté, la justice n'est pas insensible à l'hypothèse freudienne de l'inconscient. Quand les juges jugent une affaire judiciaire, ils s'assurent que le coupable a commis son crime en toute conscience et en toute liberté. Il arrive que nous agissons sous l'effet de notre inconscient. Et, dans ce cas, la justice essayera de prendre en considération de cela. C'est ce qu'on appelle les circonstances atténuantes. Un coupable qui bénéficie de ces circonstances atténuantes verra sa peine allégée. L'inconscient est aussi pour la justice un moyen d'allègement de peine pour éviter une injustice. Car personne ne peut connaitre avec une absolue certitude l'état psychique d'un criminel. Les psychologues et les psychanalystes ne sont souvent pas d'accords sur leurs expertises. Il ne s'agit pas d'une science exacte.

 

 

Finalement, l'homme est par définition un être conscient, libre et responsable. C'est par notre conscience qu'on se distingue des animaux qui agissent par instinct et qui n'ont donc aucune responsabilité. C'est pourquoi seul l'homme est tenu responsable de ses actes et ses paroles. Une responsabilité à laquelle il ne pourra aucunement échapper face à la justice. Tout de même, l'hypothèse freudienne de l'inconscient a eu le mérite d'avoir porté un coup de projecteur sur le côté sombre de la vie de l'homme en remettant en question la supposée transparence totale du sujet à lui-même. En plus de montrer que l'homme n'est pas totalement maitre de lui-même, le freudisme a pu offrir à l'homme un bel prétexte vis-à-vis de sa responsabilité et un remède psychologique inespéré contre la douleur de l'échec.

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