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BLOG DE PHILOSOPHIE
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8 mars 2018

AUTRUI

                          AUTRUI

 

                                             INTRODUCTION

Autrui est un terme qui est dérivé du latin « alter » et qui signifie un autre moi. Autrui est une altérité, un autre sujet, « un autre moi qui n’est pas moi », un autre humain. Autrui n’est pas donc une chose, un végétal, un animal, mais uniquement un être humain comme moi.

Peut-on connaître autrui ? Quelle connaissance pouvons-nous avoir de lui ? Qui est-il ? Et moi puis-je me connaître tout seul ? Quelle relation peut-on avoir avec les autres ? Une relation conflictuelle ? Une relation affective ? Une relation morale ? Une relation rationnelle ?

 

I. La découverte et la connaissance d’autrui

Le monde extérieur nous est donné par la perception. Nous percevons intellectuellement le monde, la réalité. Parmi les multiples choses de ma perception, il y a autrui. Percevoir autrui, c’est percevoir, comme toute autre réalité, une multitude de données. Percevoir autrui, c’est percevoir une chemise, un pantalon, une montre, un chapeau, un manteau, une cravate, une lunette de soleil, un visage, un regard, une taille, une forme… Ces multiples données perceptives sont synthétisées par notre esprit, notre « pensée », notre « substance pensante » (DESCARTES). Seul le jugement, la synthèse de l’esprit permet ainsi de distinguer autrui de tous les autres objets extérieurs.De ce fait, autrui ne peut exister sans moi, sans le sujet pensant. Son existence dépend de mon esprit, de moi : c’est le solipsisme. Car cette situation enferme le sujet pensant dans une solitude existentielle. La seule chose dont je peux faire l’expérience est ma propre conscience, ma pensée, mon esprit.    

Mais qui est autrui ? Qui est cet être que nous percevons par l’esprit ? Qu’est-ce qu’il a de particulier ? Sans aucun doute, il est impossible d’accéder à l’intériorité de l’autre. Je ne peux pas connaître directement ou profondément autrui, son intériorité, son identité nous est inaccessible et insaisissable (PASCAL). Mais je peux le connaître indirectement par la « conjecture » (MALEBRANCHE). Autrui me ressemble extérieurement : il a un corps semblable au mien. Parmi tous les autres êtres autour de moi, autrui est le seul qui me ressemble le plus, du moins corporellement. Or je sais que mon corps abrite une conscience. Par conséquent si autrui me ressemble extérieurement, il me ressemble aussi probablement intérieurement ; si autrui me ressemble corporellement, il me ressemble aussi psychologiquement. On peut donc déduire de ce raisonnement analogique que le corps d’autrui aussi possède une conscience, qu’autrui est aussi une pensée, une conscience (Cf. Descartes). On partage, lui et moi, des vérités communes et universelles (les vérités scientifiques, mathématiques), nous avons donc la même raison, la même manière de raisonner ou pour le dire autrement une « Raison universelle » (MALEBRANCHE). Le corps d’autrui permet donc de découvrir partiellement son psychisme, sa conscience.

On voit bien que la découverte d’autrui par l’esprit ou par le corps est lacunaire et superficielle. Pour connaitre davantage autrui, il faut parler avec lui, il faut discuter avec lui. En parlant avec autrui, via le langage, il nous est possible de connaitre ce qu’il pense (ses idées), ce qu’il ressent (ses sentiments), ce qu’il désire (ses désirs),  etc. Par le langage, autrui nous ouvre son intérieur, on découvre médiatement sa vie mentale, sentimentale, émotionnelle. Le langage réduit ainsi la distance entre mon âme et son âme, entre son intérieur et mon intérieur.

Par le langage, on découvre qu’autrui est un semblable mais pas notre identique. On découvre en effet un être qui pense comme nous, qui désire comme nous, qui ressent comme nous, qui parle comme nous, donc semblable à nous. Mais cette  ressemblance entre moi et autrui cache une profonde dissemblance. Par le langage, on apprend qu’autrui a une autre représentation du monde que la mienne. Il pense mais à sa façon, il désire mais à sa façon. Il ressent mais à sa façon. Il nous dit ce qu’il désire, et ses désirs et les miens sont significativement différents. Ses idées ne sont pas les mêmes que les nôtres, ses sensibilités politiques, ses projets, ses désirs, ses centres d’intérêt, ses priorités différent des miennes. Autrui est donc un être qui me ressemble. Semblable oui, mais pas identique.

Comment alors comprendre autrui s’il m’est essentiellement différent? Cette distance entre lui et moi peut-elle compliquer la relation entre nous ? Peut-elle être la source d’une relation conflictuelle avec les autres? Qu’est-ce qui pourrait nous rapprocher à autrui ?

 

II. Une rencontre compliquée et conflictuelle avec autrui

Les consciences des hommes sont en conflit entre elles. Il se produit une lutte de reconnaissance entre les différents sujets conscients : « chaque conscience veut la mort de la conscience de l’autre » affirme Hegel. D’ailleurs, cette lutte (ou violence) s’est manifestée dès la première génération de l’humanité, dans la fratricide (entre les enfants d’Eve et d’Adam). Les relations interhumaines sont donc conflictuelles.

Dans ce combat, il y aura un vaincu et un vainqueur : le vaincu est celui qui préfère la vie à la liberté et qui est très attachée à la vie. Il va finir par se soumettre. Le vainqueur est celui qui ne veut pas la vie et qui accorde une importance à la liberté plutôt que la vie. Il va réaliser sa supériorité : c’est la célèbre dialectique du maître et de l’esclave. Par conséquent, contrairement à la chose, à l’objet qui ne nous résiste pas, qu’on dispose librement de la manière dont on le souhaite, autrui est un sujet qui résiste à ma domination. Il refuse de se faire traiter comme un objet, d’être la propriété d’un autre homme. Il exige et se bat pour sa reconnaissance. La lutte est donc inévitable entre les hommes, entre le dominateur et le résistant, entre autrui et moi : lutter pour gagner sa liberté, lutter pour gagner sa vie, lutter pour faire valoir ses droits, lutter même jusqu’à la mort pour sa liberté, sa dignité, son honneur, sa famille, sa patrie…. La lutte qui m’oppose à autrui est multiple, elle peut être culturelle, idéologique, sociale, cultuelle, politique, économique, professionnelle.  « L’homme est donc un loup pour l’homme » comme le dit Hobbes.

La lutte entre autrui et moi n’est pas seulement au niveau de la liberté, mais aussi au niveau du regard. Parmi tous les êtres, autrui est le seul qui est capable de me regarder, et donc de me chosifier, de m’objectiver, etc. Lorsque l’autre me regarde, je ne suis plus un sujet, je deviens l’objet de son regard, un « regard regardé », une chose parmi les choses. C’est un regard qui me juge et qui m’identifie  (Cf. l’expérience de la honte). « L’enfer, c’est les autres » écrit Sartre. Certes d’autres êtres vivants peuvent nous regarder comme les animaux : mais le regard d’autrui est un regard actif, et non passif. Mon malheur serait donc le regard de l’autre, il faut constamment surveiller ce regard en permanence posé sur moi.

Thomas Hobbes n’a-t-il pas raison de craindre l’homme, de voir chez son semblable un danger permanent et terrifiant. Cependant, l’homme peut-il être vraiment qualifié d’animal sauvage ? La relation avec autrui est-elle inévitablement conflictuelle et violente ? L’homme est-il donc condamné à la solitude existentielle ? Ou peut-il s’unir, s’associer et fusionner avec autrui ? Contrairement à l’animal, l’humain n’est-il pas disposé naturellement à s’approcher des autres hommes ?

 

III. La proximité de l’homme vis-à-vis d’autrui

L’homme est le seul être qui parle. Cette disposition naturelle lui donne la possibilité de parler, de s’exprimer, de discuter, de négocier, d’argumenter, de convaincre, de partager. Contrairement à l’animal qui ne parle pas et qui règle son différend que par la force, la violence et la guerre, l’homme a une autre alternative autre que celle animale, violente : il dialogue et règle verbalement ses différends. Par le dialogue, la consultation, le consensus, les hommes ont mis en œuvre un ensemble de codes, de règles pour pouvoir trancher et régler les litiges : par exemple le Xeer cise (la loi des issas), l’Afar madqa (la loi des afars), les Droits de l’homme, etc. Le dialogue libère l’homme de ses opinions et préjugés, il faudrait nécessairement confronter véritablement sa pensée avec celles des autres (Cf. Platon). Par ce moyen, nous pourrons éviter la rivalité et le conflit entre les consciences. Le dialogue serait donc la base d’une meilleure compréhension, communication les uns avec les autres, de pacification et de vivre-ensemble.

L’homme est aussi un être aimé et aimant. C’est un être d’amour. L’amour est un élan du cœur vers un être (ou une chose), une personne autre que moi, vers autrui. L’amour (eros) apparait initialement comme un désir, un manque de quelqu’un ; c’est un désir qui est nécessaire aussi à la reproduction et à la conservation de l’espèce humaine. Schopenhauer pense qu’il est une « ruse de la nature » pour assurer, avec la reproduction à la clé, la survie de l’espèce humaine. Platon propose, de son côté, une autre explication à propos de l’origine de l’amour. Dans le Banquet, Platon, à travers le mythe Aristophane, nous raconte de l’origine de l’amour. Il raconte qu’ «  ils y avaient trois catégories d’êtres humains » : le mâle, la femelle et l’androgyne (une troisième catégorie composée de l’assemblage des deux êtres : le mâle et la femelle). Chaque androgyne avait «  quatre mains », « un nombre de jambes égal à celui des mains », « deux visages », « une tête unique pourvue de quatre oreilles » et « deux sexes ». Platon raconte que cette dernière catégorie, les androgynes, se sentant fort et redoutable « entreprirent l’escalade du ciel » pour s’en prendre aux dieux. Les dieux réagirent : ils décidèrent de couper les androgynes en deux pour les affaiblir et les punir. Depuis ce jour, l’homme, coupé en deux moitiés, cherche éperdument à retrouver et fusionner avec sa moitié. L’être humain est donc un être naturellement aimant. Sans amour, sans son âme sœur, il ne serait jamais heureux, comblé et complet.

L’homme est aussi capable d’entretenir avec son semblable une relation affective avec son semblable. Il y a aussi la relation amicale. Cette amitié associe entre les hommes, les unies entre eux. Elle peut être naturelle ou sociale (MONTAIGNE). L’amitié naturelle est la relation naturelle qui existe entre les membres d’une même famille : le lien entre les parents et les enfants, entre les enfants eux-mêmes. L’amitié peut être aussi sociale, elle peut être créée par les amis librement ; ici, il s’agit d’une amitié consentie ; une amitié qui se noue entre deux êtres que ce soit par intérêt, par plaisir ou juste par amitié, sans aucun intérêt quelconque.

Les hommes ont pitié les uns des autres. On n’aime pas voir les autres souffrir ; car la souffrance des autres nous fait souffrir. On semble donc partager les affects des autres : leur tristesse, leur souffrance, leur malheur nous touchent et nous affectent. Cette répugnance de la souffrance d’autrui est, selon Rousseau, une passion naturelle chez l’homme. C’est la « pitié » qui est à la base de la société humaine ; c’est elle qui facilite aux hommes de s’assembler, de se regrouper et de former des sociétés, des groupes, de vivre-ensemble. C’est un sentiment naturel qui rapproche les uns les autres et qui les associe ; sans elle, pas de vie commune entre les hommes. Les uns fuiraient les autres, comme chez les animaux. La pitié (et son amie la sympathie) serait donc spécifiquement humaine. Mais la pitié est-elle réelle ? Eprouvons-nous véritablement les mêmes émotions que les autres ? Est-elle universelle et identique pour tout le monde? Partageons-nous les souffrances des hommes de la même manière ? La souffrance de certains, ceux qui sont proches de nous, chers pour nous (ami, amour, famille) n’est-elle pas plus pitoyable que celle de ceux qui nous sont éloignés ?

Le respect d’autrui est un des premiers principes de toute structure sociale : je dois impérativement respecter autrui parce qu’il est un autre moi, un humain comme moi. En respectant autrui, je reconnais son humanité, l’égalité entre lui et moi. Le respect est ainsi une exigence morale universelle : l’islam, le christianisme, le bouddhisme, etc. presque toutes les religions exigent de respecter autrui. Respecter l’autre, c’est considérer sa particularité, tolérer sa différence, ne pas l’instrumentaliser, accepter sa liberté,  etc. Le respect de l’autre englobe son corps, sa vie, son bien, sa dignité, son intimité, sa croyance, sa liberté, ses opinions, etc. La proximité à autrui ne passe pas uniquement par la sentimentalité ; elle passe aussi par la raison, par l’intellect. En effet, pour Kant, le respect est de l’ordre de la raison, il est raisonnable, et donc universel : c’est une maxime universelle. On doit traiter comme on souhaite être traité.  C’est le cas aussi du dialogue qui connecte et unit deux pensées, deux âmes, deux intériorités, etc.

 

 

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