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BLOG DE PHILOSOPHIE
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8 mars 2018

Peut-on désirer sans souffrir?

                                     PEUT-ON DESIRER SANS SOUFFRIR ?

 

                                                         (INTRODUCTION)

Le désir est la dimension culturelle de l’homme. Si le besoin marque notre dimension animale et naturelle, le désir, quant à lui, renvoie à notre dimension culturelle. Dans le désir, ce n’est plus, comme dans le besoin, un objet vital qui est visé, c’est plutôt un objet non nécessaire à notre survie, c’est-à-dire un objet artificiel qui est poursuivit.  C’est le manque que nous ressentons pour des objets imaginaires (ou réels) qui déclenche notre désir. Satisfait, le désir nous procure du plaisir, de la joie et pourquoi pas du bonheur.

Mais paradoxalement, le désir est aussi associé à la souffrance et au malheur de l’homme. Par le manque qui le caractérise, par la limite de nos moyens, par la frustration due à la pauvreté du plaisir obtenu comparé à celui espéré, le désir condamne l’homme à la souffrance, à l’insatisfaction, au manque perpétuel, etc. Il est accusé d’être la marque de la misère et du malheur de l’homme. Mais l’homme est-il condamné à souffrir par son désir ? Ne peut-on pas désirer sans souffrir ? Un désir sans souffrance n’est-il pas possible ?

Pour résoudre le problème que soulève notre sujet sur le rapport entre le désir et la souffrance, nous allons dans une première partie tenter de comprendre le lien qui existe entre désir et souffrance. Et puis dans une deuxième partie, on cherchera à réconcilier désir et plaisir par une sélection rationnelle des désirs joyeux. Et enfin, on finira par montrer que pour renouer avec un désir positif, il faudrait trouver une harmonie entre soi, son être, son identité et son désir. Et l’importance de la connaissance de soi pour la maîtrise de son désir. 

 

                                                             (DEVELOPPEMENT)

Le désir est un mouvement vers quelque chose de réelle ou d’imaginaire (un être, un objet) qui nous manque et que nous voulons obtenir. Désirer, c’est tendre vers l’artificiel, l’imaginaire, vers un objet qui n’est pas nécessaire à notre vie. Il convient donc de le distinguer du besoin qui, lui, est lié à la satisfaction de ce qui est nécessaire et vital pour tout être vivant : qu’il soit humain, animal ou végétal. Si le besoin est universel à tous les êtres vivants, le désir est, lui, propre à l’homme. Parmi tous les êtres vivants, l’homme est le seul qui désire ce qui n’est pas nécessaire à sa vie. Désirer est donc l’essence de l’homme, ce qui fait sa particularité (Spinoza). Le besoin est un manque lié à quelques éléments (principalement nourriture et eau) directement disponible dans le milieu de vie de l’homme et donc d’un accès immédiat. Ce qui n’est pas le cas du désir. Dans le cas du désir, le manque est beaucoup plus frustrant et beaucoup plus difficile. Car l’objet désiré n’est pas immédiatement accessible à celui qui le désire. Sa possession nécessite beaucoup d’efforts, de sacrifice, de temps, de compétences et de moyens. Disons donc que le désir est mêlé de beaucoup d’incertitudes, d’impatiences, d’angoisses, mais aussi d’espoirs, de rêveries, etc. De ce fait, si, par exemple, un homme désire devenir le président de son pays, il doit se préparer pour la fonction, faire compagne pour son élection, engager beaucoup de moyens matériels et financiers, surmonter les multiples obstacles envisagés (échec, défection, etc.), investir son temps et sa personne dans son rêve. Par conséquent, le chemin pour la satisfaction de son désir est déjà une souffrance et une difficulté qui pourrait décourager plus d’un.

Une souffrance que nous allons sans doute supporter espérant derrière une joie, un plaisir qui nous fera oublier rapidement tout ce que nous avons enduré sur le chemin. Mais est-ce le cas ? Et si on cheminait vers une nouvelle souffrance, vers plus de souffrance. Car rien ne nous assure que notre désir sera réalisé, que l’objet de notre désir sera le nôtre. Malgré toute la souffrance endurée pour atteindre son but, on pourrait ne pas l’atteindre. On pourrait au bout du compte manquer de moyens. Dans notre précédent exemple, le candidat pourrait se rendre compte une fois dilapider ses  fonds qu’il n’a plus le moyen de continuer et pourrait signer la fin de son rêve. Ou même s’il avait tous les moyens, ou même plus de moyens que les autres, il pourrait faire face à un autre prétendant (concurrent) beaucoup plus talentueux, plus compétent ou même peut-être plus chanceux que lui. Ainsi, en dépit de tous les moyens engagés, du temps investit, d’effort fourni, notre désir pourrait ne pas aboutir et nous filer entre les doigts. C’est le désespoir. La déception. Et bientôt, c’est l’heure de l’échec qui sonne. Un échec qui peut même être dans certains cas très cuisant.

Et le talentueux (ou le chanceux) qui a remporté son pari, qui a touché son but, qui a réalisé son rêve en brisant le nôtre, est-il, celui-là, plus joyeux, plus heureux que moi, le malchanceux, le pauvre looser? Les choses ne sont pas aussi sûres que ça. Il est vrai que l’objet obtenu nous ferra plaisir un bout de temps. Il est indéniable qu’on sera joyeux en sa compagnie. Mais il n’est pas moins vrai que la joie et le plaisir récoltés après l’effort et la souffrance ne seront pas durables et même satisfaisantes. Car un nouveau lien se crée avec l’objet désiré. Un lien réel et concret. Avant, le lien avec l’objet n’était qu’imaginaire. L’objet n’existait que dans notre imagination. Même notre futur lien réel après son obtention était lui-même auparavant idéalisé par imagination. Or notre imagination n’a pas de limite ; elle est infinie. Dans notre imagination, l’objet est idéalisé, embelli, fantasmé. Il est mille fois plus beau, plus merveilleux, plus coloré. Avant même de rencontrer l’objet réellement, on le rencontre imaginativement. Au-delà du plaisir imaginatif, si l’objet nous fait encore rêvé, c’est parce que nous imaginions que sa possession sera beaucoup plus jouissive que son imagination. Avec le rapprochement de l’objet désiré, l’espoir d’un plaisir plus grand, du vrai plaisir, se caresse. On est de plus en plus enthousiaste, de plus en plus enchanté à l’idée d’enfin toucher notre objet. Et enfin, le temps tant attendu se présente, l’objet tant désiré s’offre à nous. Il est là, devant nous, à notre portée, à nous…Mais bizarrement, cet objet ne ressemble pas beaucoup à celui qu’on a tant désiré. Notre plaisir semble s’amollir, s’adoucir. On est de moins en moins heureux en présence de l’objet. C’est comme si la vivacité du plaisir diminuait proportionnellement au temps passé avec l’objet. C’est comme si on était plus heureux avant d’obtenir la chose, avant le moment qu’on attendait être vraiment heureux, vivre le vrai bonheur. Et Rousseau a eu raison d’avoir écrit : « on est heureux qu’avant d’être heureux ». Et on se reproche qu’il fallait même retarder la fin du désir et l’obtention de l’objet désiré. 

Et bien le méchant qui nous a privé notre plaisir n’est pas véritablement plus heureux que nous. Il pourrait même être doublement plus déçu que nous. Mais notre imagination n’a d'yeux (et d'oreilles) que pour le bonheur et le plaisir de l’autre, elle ne voit que ce qu’elle veut voir, pas les choses telles qu’elles sont. Elle veut voir l’autre heureux avec son désir, l’autre voler de bonheur dans le ciel, au dessus des nuages. Elle imagine son bonheur imaginaire. Et alors, l’imaginant souffre et l’imaginé souffre de son côté. En rectifiant un peu le célèbre proverbe  « c’est le malheur des uns qui fait le bonheur des autres », on pourra dire « c’est le bonheur (imaginaire) des uns qui fait le malheur (réel) des autres ». C’est le bonheur imaginaire que nous projetons à un autre qui n’est pas véritablement heureux (voire même malheureux) qui fait notre malheur. Bizarre alors dans le royaume du désir tout le monde est malheureux ! Par conséquent, n’étant pas pleinement satisfait de notre dernier désir, la tourmente du désir nous lance à la recherche d’un nouvel objet. Et puis un nouveau cycle de frustration, de manque, de souffrance et de déception commence. Comme si le monde était un éternel recommencement. On passe d’une souffrance à une nouvelle souffrance sans pouvoir s’arrêter de désirer. A ce propos, Schopenhauer disait que l’homme est un être de désir condamné à une souffrance interminable.  

Mais la souffrance est-elle indissociable du désir et donc inéluctable ? Ou bien est-elle liée à notre manière de désirer ? Et si oui, est-elle donc évitable si on trouve la bonne méthode afin de pouvoir désirer paisiblement sans souffrir ?

Que pense le maître Socrate de ce cycle infini de désir ? Dans un dialogue avec Calliclès, dialogue mis en scène par Platon dans son ouvrage le Gorgias, Socrate et Calliclès échangent sur le désir et le bonheur. Et apparemment, les deux penseurs divergent sur le sujet. Socrate cherche à montrer que la quête effrénée du désir est un choix qui nous conduirait à la souffrance et qui nous éloignerait à des kilomètres le bonheur. En effet, Socrate compare à celui qui voudrait satisfaire à tous ses désirs sans tempérance à un individu cherchant à remplir un tonneau percé (troué) qu’il ne réussit jamais à le remplir définitivement. Ainsi, selon Socrate, seule la tempérance, c’est-à-dire la modération de son désir pourrait nous rendre heureux et nous mettre à l’abri de la souffrance et d’une vie malheureuse. Là où Calliclès penche pour une vie sans tempérance, une vie de débauche. Seule une vie de plaisirs mérite d’être vécue selon Calliclès sinon ça serait vivre comme une pierre, comme un être vivant mais mort, un vivant-mort. De ce fait, selon Socrate, il faudrait limiter nos désirs à quelques désirs essentiels pour vraiment être heureux.

Non loin de Socrate, Epicure, un philosophe hédoniste, défend le plaisir raisonnable. A en croire Epicure, on pourrait désirer sans souffrance en rationnalisant nos désirs. Le désir est le fils de notre côté passionnel, corporel. Certains de nos désirs sont mauvais. Ce sont des désirs irrationnels, et dont la conséquence pourrait être désastreuse. Pour ne pas souffrir, il faudrait donc commencer par se séparer de tous les mauvais désirs. Certes, il n’est pas si facile de maîtriser ses désirs ; les passions sont très pressantes et sont souvent plus fortes que la raison elle-même. Elles emportent tout nôtre être. Mais il est nécessaire de faire un contre effort afin de dominer nos passions et nos désirs. Ainsi, il est possible d’être le maitre de son désir et non pas l’esclave. C’est une bonne maîtrise de notre désir qui nous préservera de tant de souffrances et même des plus terribles. Ainsi, Descartes disait en ce sens, « il faut changer ses désirs plutôt que l’ordre du monde ». Car changer ses désirs est plus simple que de changer l’ordre du monde. Changer ses désirs, c’est désirer seulement, comme nous le préconise Lucrèce, les désirs les plus accessibles à nous, ceux qui dépendent de nous et que nous avons le pouvoir de les satisfaire assurément et donc sans souffrance.

Mais reste à savoir si tous les hommes sont capables de telle maitrise de soi et de telle tempérance. Nul doute que dompter ses désirs n’est pas une mince affaire. Comment faire dans ce cas précis ? Pour ces soumis de leur désir, Freud leur propose la sublimation du désir. Si nous sommes incapables de nous séparer de certains de nos désirs, on pourra toute de même tenter de changer de méthode. Au lieu de les supprimer, de les endiguer, on pourrait essayer de changer leur cours. Ça consiste à quoi ? La sublimation d’un désir pervers (un mauvais désir) consiste à détourner ce désir vers un but positif et culturellement valorisé. Ainsi, sans abandonner le désir, on abandonne son mauvais côté, pour poursuivre le même désir mais dans un sens positif. Prenant, à titre d’exemple, le cas d’un homme qui ment comme il respire et qui aime mentir à tout le monde. Ce comportement est inadapté à la vie sociale fondée sur la vérité et sur la confiance. C’est donc une mauvaise habitude et un mauvais désir de vouloir toujours mentir aux autres. Mais cet homme peut être apprécié dans le service de renseignement. Parce qu’il est un bon comédien qui ment très bien sans se faire remarquer, il pourra être un bon agent du service de renseignement. Il pourra même contribuer à déjouer des actes criminels en jouant l’agent intégré. Ce désir est donc sublimé positivement. Un désir initialement dangereux à la vie sociale, on en fait un désir utile pour la société.  

Mais, pour pouvoir sublimer et maîtriser son désir, encore faut-il se connaître. La maîtrise de notre désir nécessite donc d’abord une véritable connaissance de soi. Avant de sublimer nos désirs, il faut d’abord savoir nos désirs, leur origine, les mauvais, les bons, leurs causses. Parce que comme le dit Spinoza, nous ne connaissons pas suffisamment les causes de nos désirs. C’est ce que pense aussi Freud. Avec sa théorie de l’inconscient, Freud explique que nos désirs sont inconscients et que nous n’avons connaissance qu’une toute petite partie. Selon la psychanalyse, une bonne partie de nos actes (comportements) sont donc liés à notre inconscient. Des actes tels que l’acte manqué, le lapsus, le rêve, la phobie, etc. seraient des manifestations de nos désirs inconscients. Des désirs qui obéissent aveuglement au principe de plaisir sans se soucier du principe de réalité (la norme, la morale). La maîtrise de notre désir passe en effet par sa connaissance et sa prise de conscience. Connaissance de soi sans laquelle la sublimation et le contrôle de nos désirs ne peuvent avoir lieu.

 

 (CONCLUSION)

Le désir est l’essence de l’homme (Spinoza). C’est un phénomène propre qu’a l’homme et qui constitue le moteur de la vie humaine, du perfectionnement de l’humanité. Cependant, le désir est un manque qui fait souffrir l’homme. On souffre au début du désir à cause du manque ou à la fin à cause de n’avoir pas réalisé notre désir ou même pour l’avoir réalisé mais sans vraiment être satisfait du résultat.

Il importe donc de bien calculer notre désir pour se protéger de la souffrance liée à celui-ci. Il faudrait pour cela, distinguer les bons désirs des mauvais. Car les mauvais désirs sont ceux qui nous font souffrir le plus affreusement. Les écarter serait un premier pas vers le contrôle de la souffrance. Même pour les désirs les plus coriaces qui ne peuvent pas être supprimés, il y a toujours la possibilité de les orienter vers un but positif ou de les sublimer pour le dire comme Freud. On peut aller plus loin en se concentrant uniquement, comme le préconise Lucrèce, sur le peu de désirs que nous pouvons satisfaire facilement et sans aucune souffrance. En gros, c’est en changeant nos désirs que nous pourrons limiter notre souffrance et arriver à renouer avec le plaisir raisonnable et pourquoi pas avec le bonheur vertueux. Et tout ça nécessite une maîtrise de soi et une connaissance de soi. 

 

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